An bɛ tɔɔrɔ la
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10.08.2023
Quand une calebasse d’eau se brise sur ta tête, tu ne peux que te laver avec son eau. Me disait mon très cher Stéphane. La tête soupire, je suis en cendre. Ma grand-mère aurait dit plutôt que c’est comme avoir la bouche pleine de sable. Tu ne peux ni l’avaler ni le cracher. Tu es là, avec cette bouche pleine à craquer, la peau en miettes. À négocier avec l’érosion grandissante de la capacité à faire face aux épreuves de la vie.
O man nɔgɔ dèh!
On a besoin de ce courage pour continuer à prendre les douches forcées de la vie.
Être une personne queer dans nos pays africains, c’est avoir la bouche pleine de sable. Tout le monde constate ton visage boursouflé, la peau des joues à cran, il ne faut pas grande chose avant qu’elle ne craque. Néanmoins tu souris, les lèvres pincées, sinon tu risques de t'étouffer avec cette hypocrisie inouïe de nos sociétés.
Nous sommes un pourcentage de la population condamnée à vivre dans l’ombre et la terreur. Devenu la cible de prédilection de nos détenteurs de pouvoir en manque d’inspiration.
On trinque.
Quoi de plus délectable que de se goinfrer avec une partie de cette population déjà livrée à toutes sortes d’exactions. La calebasse d’eau se brise sur nos têtes à répétition. On se lave avec l’eau meurtrière de l’insécurité ambiante et de la marginalisation.
Tu ne peux que prendre cette douche glaciale, avec des petits mots d’encouragement,
ni tɔɔrɔ don an bɛ tɔɔrɔ la!
L'insécurité, nous la vivons déjà et depuis toujours au quotidien. Tu ouvres les yeux le matin, comment négocier ta sécurité ce matin. Je veux m’habiller, pause. Où je vais aujourd'hui, quel habillement me permettra de négocier ma sécurité dans les espaces publics. Tu viens me rendre visite? Ne m’exposes pas dans le quartier dèh! Habilles-toi bien.
La bouche est remplie à cran, avec une peur permanente au ventre.
Tu ne peux ni l’avaler ni le cracher. Tu es là, avec cette bouche pleine à craquer, la peau en miettes.
La réalité quotidienne des plus demuni.es parmis les personnes queer en Afrique.
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Photo en noir et blanc: Anastasie Langu
Photo et écrit de Mariam Armisen