Nous, nous étions les Pionnières
Billé Siké
11 Avril, 2023
Nous sommes d’une autre génération. Le travail que nous faisons sur le terrain, c’est le travail de mobilisation sur la base de l’idéologie féministe mais on ne prononce pas le mot féminisme sur le terrain pour éviter d’être rejetées. Donc, on amène les jeunes filles à s’organiser entre elles et à se battre contre, par exemple, les mariages précoces et forcés.
Billé Siké est Camerounaise, sociologue, féministe. Elle est co-fondatrice de l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes et aux Filles (ALVF) au Cameroun. Elle est la pionnière de la Lutte contre les Mariages Précoces et Forcés dans la Région de l’Extrême-Nord, au niveau national et international. Elle fut la première responsable d’antenne de l’ALVF dans le Septentrion de 1996 à 2018. En 2002, elle occupe le poste de Superviseure du projet « Stratégies de lutte contre les mariages précoces et forcés » dans cette région. Elle est spécialiste en stratégies de lutte contre les mariages précoces et forcés. Elle est aussi l’auteure de plusieurs outils d’analyse à savoir : « l’arbre d’analyse des stratégies de lutte contre les mariages précoces et forcés » ; du « portrait d’une survivante de mariage précoce et forcé », ainsi que de « la Théorie de changement en matière de Lutte contre les Mariages Précoces et Forcés.
Féministe
Transcription, Première partie de notre conversation avec Billé Siké
Billé Siké: Je suis Billé Siké, j’ai 63 ans (en 2016), je suis Camerounaise et sociologue de formation. Je suis Co-fondatrice de l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes (ALVF) au Cameroun, et initiatrice de la mise en place de l’antenne de cette de l’association dans la région de l’extrême nord du Cameroun. En faite, comment je suis devenue féministe? J’ai fait mes études en France et j’ai pris connaissance de la différence entre mon frère et moi, quand je militais dans un parti politique dans la clandestinité en France. Chaque fois qu’on venait dans les réunions, j’étais seule, dans mon groupe de travail, j’étais l’unique femme, j’étais celle qu’on interpellait toujours, “Camarade va nous faire du café, camarade, va préparer un peu de riz pour nous.” Et du coup, je me suis retrouvée dans le discours du mouvement de libération des femmes, le MLF. C’est comme ça je suis devenue féministe. Maintenant j’ai rencontré d’autres filles féministes, étudiantes, qui venaient de Lyon, de Toulouse. Nous étions en fait des cousines et notre rêve... Nous avons vécu l’arrivée de Mitterrand au pouvoir en 1981. Quand nous avons vu cette foule, nous avons participé à la commémoration du premier 8 mars en France. Notre rêve c’était de vivre ce mouvement dans notre pays. Et du coup quand nous sommes toutes rentrées dans les années fin 80, nous avons d’abord créé une association plus idéologique dans les activités pendant 10 ans et l’état Camerounais n’a pas voulu légaliser cette association. Donc nous avons changé de stratégie pour créer l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes (ALVF). C’est vrai que ça a créé des tensions au sein de la première association parce qu’il fallait se positionner politiquement. Donc, me voici dans la lutte des femmes. Et je crois que le féminisme est le même, c’est-à-dire si nous croyons, nous pensons que les racines de notre problème en tant que femmes et filles se trouve au niveau du système capitaliste et patriarcal, là nous sommes d'accord. Je prends l’exemple, moi, je suis spécialiste dans la lutte contre les mariages précoces et forcés. Et quand nous avons conçu notre arbre d’analyse des stratégies de cette lutte, on s’est rendue compte qu’au niveau des racines il y a les valeurs du système patriarcal et de l’autre côté, il y a les valeurs du capitaliste parce dans les années 90, le capitalisme à partir de la Banque Mondiale, à travers le FMI (Fonds Monétaire International) a mis place, a voulu que nos pays mettent en place le programme d’ajustement structurel qui demandait aux familles de tout financer, tous les services venant des structures communautaires. Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu’on privilégiait le garçon, qui est appelé à devenir chef de famille par les valeurs du patriarcal, on l’envoyait à l’école, et la fille a toujours été destinée au mariage. C’est là que nous nous retrouvons dans ce forum avec les autres femmes.
Mariam Armisen: Restons sur ce sujet un peu. Au Cameroun, la lutte féministe, quel est le mouvement qu’on a? Je suis allée au Cameroun mais je vois pas de mouvement féministe. Est-ce qu’il y a un mouvement bien ancré et bien visible, féministe au Cameroun?
Billé: Je ne peux pas dire qu’il y a un mouvement bien ancré au Cameroun, de féministes. Le mouvement que nous avons commencé dans les années 80, les femmes qui étaient dans ce mouvement, chaque groupe a créé des associations mais on se rencontre dans les débats. Il faut dire aussi se dire que nous sommes d’une autre génération, nous sommes d’une autre génération. Le travail que nous faisons sur le terrain, c’est le travail de mobilisation sur la base de l’idéologie féministe mais on ne prononce pas le mot féminisme sur le terrain pour éviter d’être rejetées. Donc, on amène les jeunes filles à s’organiser entre elles et à se battre contre, par exemple, les mariages précoces et forcés. Et là, nous avons des groupes, de filles que nous avons encadré, qui ont leurs propres associations, qui sont devenues des animatrices en matière de lutte contre les mariages précoces et forcés. Au sein de la communauté, nous avons amené les groupes à créer des associations légalisées. Voilà le trajet. Vous savez, nous, nous étions les pionnières, parler du féministe même au sein de nos familles c’était tout un problème. Donc, soit on acceptait d’être écartée, on ne nous écoutait pas, soit on ne va pas changer de discours mais rendre modéré notre discours au lieu d’être radical parce que nous étions ces filles qui ont fait leurs études en France, et nous étions ces filles mal baisées. Et là quand on nous disait mal baisée, on répondait que, mais, ce sont les hommes qui nous baisent et s’ils nous baisent mal ce que… donc. Tu pouvais pas trouver un mouvement fort féministe mais tu trouves des féministes qui ont mis en place des associations de conscientisation, de mobilisation, et d’action.
Parce que j’ai voulu que tous les enfants passent dans ma main pour qu’ils comprennent qu’il y a une autre façon de vivre, une autre façon d’analyser la société dans laquelle nous vivons. Même dans mon village, quand je dis, c’est un grand quartier de Douala, je sais que ces jeunes filles veulent devenir comme moi. Et c’est là où la discussion va démarrer avec elles parce que c’est très important qu’elles ne pensent pas que tout doit venir de l’extérieur et que c’est l’extérieur seulement, qu’on peut faire quelque chose mais au sein de notre pays il faut que nous-mêmes nous prenons en main notre vouloir être.
Mariam: Mais ce n’est pas comme si vous ne l’avez pas fait, vous l’avez déjà fait, mais c’est le pouvoir qui résiste votre contribution, qui invisibilisé ce que vous avez fait pour ne pas montrer à d’autres, aux nouvelles générations qui viennent “le mauvais exemple” donc on vous écarte le plus possible et avec le plus de violence.
Billé: Et je suis d’accord avec vous. On vous écarte et si vous n’êtes pas forte, soit vous faites une dépression, soit vous passez de leur côté et je vous assure. Moi je suis une femme célibataire, la vie, vraiment. J’ai aimé mon passage sur cette terre et j’aime mon passage sur cette terre parce que j’ai toujours fait ce que j’ai voulu. Mais il faut dire que j'avais les moyens. Les parents m’ont envoyé en France faire mes études. J’ai fait des études en France, non seulement j’ai fait mes études pour avoir mon diplôme et en même temps j’ai eu la possibilité de militer chez les féministes. J’ai vu les Simone de Beauvoir et beaucoup de femmes. Et en plus à l’université j’ai rencontré des femmes, des écrivaines femmes, des féministes! Et de l’autre côté, j’ai milité et j’ai plus de tendance de gauche dont le parti communiste Français. J’allais à ces fêtes, la fête de l’huma et mon rêve! C’était, oh mon pays! Comment? Notre rêve, tu comprends? C’est très important qu’on rencontre ces jeunes, pour qu’on mette ensembles des bases et me rassurer qu’il y ait la relève comme j’ai fait avec Aïssa ça me rassure que j’aie de la relève. Maintenant, je disais hier que la petite Guinéenne, la Nigérienne qui avait sa session, personne n’est venue, personne de l’Afrique francophone n’est venue. Nous étions les trois Camerounaises, on a eu une petite Sénégalaise et une petite Mauritanienne, un Anglais et deux Françaises. Je pense que c’étaient des bailleurs. Or, nous avons aussi le rôle d’encourager ces jeunes. Son truc c’était sur la situation actuelle avec Boko Haram! Ce que nous vivons aussi à l’extrême nord du Cameroun. Je crois que notre rôle c’est d’encourager ces jeunes-là, de leurs donner les capacités d’analyse parce que l’ennemi n’a pas changé. Autant les femmes de l’Amérique latine parlent des multinationales, autant nous parlons de la Banque Mondial, du FMI pour aboutir au multinational qui nous étouffe, l’accaparement des terres. Je parle d’un..
Mariam: Non, non c’est important. Je suis triste pour cette séance mais je reviens aux problèmes de communication parce que je navigue dans les deux milieux pour dire, dans le sens Anglophone comme Francophone. Les panélistes qui viennent et disent, tiens j’ai ma séance à telle heure et tu viens, hein! On a eu combien de réunions entre Francophones mais personne n’a dit que je serais à ce panel. On ne communique pas.
Billé: La petite Nigérienne a fait la sensibilisation, elle nous a vu individuellement pendant les deux jours peut-être qu’elle ne t’a pas vu.
Mariam: Elle ne m’a pas vu.
Billé: C’est vrai qu’il a un problème de communication mais nous aussi, les Francophones ont d’autres valeurs, tu comprends? Les Francophones ont d’autres valeurs et d’autres manières de faire les choses. Nous par exemple, quand on venait ici on croyait tellement à cet espace des francophones que tout était centré sur l’espace, c’est là où on allait exposé, c’est là où nous irons. Mais l’espace, quand je suis allée à l’espace. Parce que moi, je suis une personne, j’aime le bien-être, je suis pas allée à l’école pas pour être pauvre. Non! Je ne veux pas de cette pauvreté où la Banque Mondiale nous dit que vous êtes pauvre. Moi, j’aime le bien-être. Quand on m’envoie derrière le village, là où se trouve le village, je suis allée. En y allant, il y a deux jours, quand je l’ai vu, j’ai ralenti les pas. Sali était avec Aïssa, Sali, la Sénégalaise et elle dit à Aïssa, “Ah, Bilé a ralenti ses pas c’est comme si elle ne veut pas y aller.” Aïssa me connaissant si elle me regardait j’allais lui demander de rentrer, qu’on rentre. Je n’aime pas. On ne peut pas être avec AWID, Genre en Action, et on nous met au fin fond. C’est-à-dire que à côté d’une piscine. C’est des choses que je n’accepte pas! On te dit que tu es pauvre et tu dis, oui je suis pauvre et tu t’assoies dessus. Donc, hier la communication… après on a eu des débat avec les Françaises, elles ont compris. Parce qu’il y a des choses. Quand on me dit la présence des femmes dans les instances de prise de décisions. Mais elles ne comprennent même pas. Elles peuvent être dans les instances mais elles vont parler de quoi? Si vous n’avez pas préparé ces femmes dans leurs contenus. Elles sont des animatrices dans les partis politiques et vous voulez qu’elle aille dire quoi à l’Assemblée quand vous, on vous a pas vous même retrouver? Donc, c’est ça! Pour venir ici, je leur ai dit ça l’autre jour. Que il y a Genre en Action qui est en communication avec AWID, il suffisait demandé à AWID de leur envoyer la liste des associations qui devraient se rendre ici. A partir de cette liste, elles pouvaient entrer en contact avec nous. On ne peut pas venir ici.
Mariam: Et on va s’accaparer de nous sans avoir fait aucun effort.
Billé: Je ne peux pas. Sans vous mentir je ne suis pas un enfant. Je vois sur des gens qui parlent, des bailleurs de fonds derrière, elles vont montrer à leurs bailleurs de fonds, en disant on a réussi à réunir… Nonnnn, non, non, pardon!
Mariam: Je nous disais, ne nous laissons pas instrumentaliser. On est venu parce que c’est le même bailleur qui nous a financé. C’est un bailleur Anglophone et il n’a pas lésé sur les moyens pour nous faire venir ici. Ne nous laissons pas instrumentaliser. Ce bailleur ne nous exigé rien du tout, mais s’assurer qu’on avait la meilleure opportunité et les meilleures expériences possible. Donc, quand… Moi j’avais toujours une difficultée avec ce groupe mais je ne voulais pas parler. Pourquoi vouloir aller toujours dans ce village. La base de la construction de ce village s’est partie d’où? Ça c’est fait comment? Bref!
Billé: Avec la petite hier, nous sommes sortis de là ensemble avec la mise en place d’un début d’organisation. Nous par exemple, nous travaillons avec le RDI (Les Réponses aux Demandes d’Information) où nous avons mis en place à Maroua, la brigade de dénonciation de violences faites aux femmes et filles. et FJS (Foundation for a Just Society) nous avait financé pour aller expliquer notre stratégie, notre approche au Sénégal. RDI a mis les mêmes brigades sur place. Avec la petite Nigérienne comme le Sénégal connaît un conflit au niveau de la Casamance, le Niger un conflit et nous un conflit, on s’est dit que les trois pays, nous allons rester en contact, voir comment nous pourrons, par rapport à ces histoires de conflit Boko Haram, tout ça, réfléchir comme de féministes parce que à chaque fois on appelle les femmes au niveau la paix. Et toi tu vas faire la paix quand tu ne connais pas d’où vient le problème? Donc, de là vraiment, voilà, je sors avec quelque chose ici. Ces histoire de femmes Francophones et de villages Francophones, je ne suis pas dedans.
Mariam Armisen: Restons sur ce sujet un peu. Au Cameroun, la lutte féministe, quel est le mouvement qu’on a? Je suis allée au Cameroun mais je vois pas de mouvement féministe. Est-ce qu’il y a un mouvement bien ancré et bien visible, féministe au Cameroun?
Billé: Je ne peux pas dire qu’il y a un mouvement bien ancré au Cameroun, de féministes. Le mouvement que nous avons commencé dans les années 80, les femmes qui étaient dans ce mouvement, chaque groupe a créé des associations mais on se rencontre dans les débats. Il faut dire aussi se dire que nous sommes d’une autre génération, nous sommes d’une autre génération. Le travail que nous faisons sur le terrain, c’est le travail de mobilisation sur la base de l’idéologie féministe mais on ne prononce pas le mot féminisme sur le terrain pour éviter d’être rejetées. Donc, on amène les jeunes filles à s’organiser entre elles et à se battre contre, par exemple, les mariages précoces et forcés. Et là, nous avons des groupes, de filles que nous avons encadré, qui ont leurs propres associations, qui sont devenues des animatrices en matière de lutte contre les mariages précoces et forcés. Au sein de la communauté, nous avons amené les groupes à créer des associations légalisées. Voilà le trajet. Vous savez, nous, nous étions les pionnières, parler du féministe même au sein de nos familles c’était tout un problème. Donc, soit on acceptait d’être écartée, on ne nous écoutait pas, soit on ne va pas changer de discours mais rendre modéré notre discours au lieu d’être radical parce que nous étions ces filles qui ont fait leurs études en France, et nous étions ces filles mal baisées. Et là quand on nous disait mal baisée, on répondait que, mais, ce sont les hommes qui nous baisent et s’ils nous baisent mal ce que… donc. Tu pouvais pas trouver un mouvement fort féministe mais tu trouves des féministes qui ont mis en place des associations de conscientisation, de mobilisation, et d’action.
Mariam: Jusqu’à présent de nos jours au Cameroun, vous trouvez que c’est toujours difficile de revendiquer cette idéologie féministe à travers le travail pour le droit des femmes?
Billé: Je crois que notre rôle aussi, c’est de chercher les jeunes féministes au Cameroun, parce que je sais, je lis. Je sais qu’elles existent mais je ne peux pas mettre la main sur elles. Notre rôle c’est de les chercher pour pouvoir les encadrer. Je sais qu’il existe de jeunes féministes qui ont une autre façon de penser, qui ont une autre façon de faire des choses, de croire. C’est dans ce sens qu’il faut regarder. Je crois que, il faut aussi voir l’autre côté politique, hein. Parce que là, je ne vous ai pas tout dit. La politique au Cameroun, surtout en Afrique Central, là où nous sommes maintenant, si vous essayez de mener l’enquête sur combien de femmes venant de l’Afrique Centrale sont ici (au forum des féministes noires). L’Afrique Centrale est une sous-région où il n’y a pas de communication. On ne se connait pas du tout! Nous essayons mais ça n’avance pas. Nous sommes obligées de nous accrocher sur les femmes de l’Afrique de l’ouest. Donc, nous avons un problème politique, quand vous avez un Président qui a plus de 80 ans qui vous dirige et les gens qui dirigent le pays sont les mêmes personnes qui ne savent même pas manipuler l’ordinateur! Comment voulez-vous? Et nous, notre génération n’a pas eu le temps de gérer le pays. On a milité mais c’est difficile, on n'a pas eu accès au pouvoir.
Mariam: C’est très important. Quand on parlait l’autre jour au dîner, on parlait de l’importance de cette histoire la. De l’importance de valoriser, de trouver les moyens de célébrer ce que vous avez déjà construit. Les féministes jeunes viennent mais se retournent par exemple vers les Audre Lorde aux Etats Unis pour développer leurs pensées et leurs compréhensions des féminismes noires. Pourtant au niveau pays il y a des gens qui se sont battues, il y a des gens qui ont posé des bases mais ce manque de visibilité pour les jeunes générations et de manque de communication ont fait que, elles, certainement se disent que ça n’existe pas. Et vous, vous savez que elles, elles existent. Donc, il y a cette lacune et je me demande comment est-ce que à votre niveau, nous, on peut commencer à documenter votre trajectoire, ce que vous avez contribuer au mouvement féministe dans le pays?
Billé: Moi, quand je discute avec une personne, je cherche toujours à retenir ce qui me fait avancer. Effectivement, depuis l’autre soir quand nous avons discuté, j’avais déjà ce projet dans ma tête. Parce que en fait je suis sortie de ma famille depuis 1976 et depuis que je suis sortie, je n’ai fait que voyager. Quand je dis voyager, je suis au Cameroun, je suis une Douala, mais j’ai jamais vécu à Douala. Je vais et je viens. Ça fait 20 ans que je vis à l’externe nord du Cameroun à cause de mon militantisme. C’est à dire que j’ai pris ma valise, c’est vrai que j’étais fonctionnaire de l'État. J’ai choisi d’aller travailler à l’extrême nord du Cameroun, j’ai pris ma valise et j’ai appelé ma famille pour leur dire. J’étais à Yaoundé à l’époque parce que c’est nous qui avons créé le ministère de la condition féminine au Cameroun. C’est un peu compliqué. Et dans ce ministère à l’époque, avoir des idées, avoir une femme à l’époque, qui a des idées avant-gardistes ce n’est pas facile donc je suis partie dans un autre ministère comme sociologue dans des projets d’hydrauliques villageoises et c’est comme ça que je me suis retrouvée à l’extrême nord. Me retrouvée à l’extrême nord, je ne pouvais pas attendre que les gens viennent, donc j’ai créé l’antenne (de ALVF) avec Aïssa que vous voyez là et ça fait 20 ans parce que pour moi, j’ai commencé la relève à partir de ce moment-là. Et maintenant j’ai envie de revenir à Douala pour travailler. Je reviens par rapport à votre question.
Nous avons discuté ce soir-là de beaucoup de choses et j’ai retenu beaucoup de choses qui pourront me faire avancer et en même temps il y a des choses que je n’ai pas aimé. Ce que j’ai retenu, parce que en venant ici j’avais en tête d’organiser le 8 mars dans mon village, qui est un quartier de Douala. Et ici j’ai eu un contenu. Et pour revenir à notre discussion sur les jeunes. J’ai eu ce contenu par rapport aux jeunes quand nous avions discuté, quand tu m’as dit mais ton histoire, il faut raconter ton histoire à des jeunes. Donc, à partir de cette discussion, je me suis interpellée et il faut que nous racontons nos histoires et où raconter ces histoires? Je me suis dit donc, “tu veux organiser le 8 mars dans ton village et ce 8 mars avait pour objectif de toucher nos jeunes filles qui ont bénéficié” parce que nous avons la journée de l’excellence dans notre village. Ces jeunes filles qui ont bénéficié de cette journée, ça fait pratiquement 20 ans aussi, ça me permettrait de savoir où sont elles, et cela pendant deux jours. La première journée je vais demander aux autres femmes qui étaient avec moi, jeunes, qu’on raconte nos vies à ces jeunes filles. La deuxième journée, nous allons parlé du plan d’action de Beijing actualisé, des objectifs du développement durable et à partir de là, parce qu’on va analyser, on ne rentrera pas en profondeur sur le genre et tout ça. À partir de là, elles verront quelles sont les thématiques qu’elles souhaiteraient par rapport à leur propre vie. Et je pense que notre discussion de ce jour-là ne t’inquiète pas! On n’a pas parlé dans du vent. Voilà comment je compte continuer parce qu’il faut absolument qu’on raconte! Quand j’entends à la session où il y avait Antoinette Bush, l’américaine. Ces femmes-là ont raconté leurs histoires, leurs histoires ressemblaient à la mienne sauf qu’au niveau politique, pénétration de changement et on est bloqué parce que le pays n’était pas démocratique. Nous avons essayé, c'était une question de choix. Je crois que c’est très important d’organiser de petites rencontres avec nos jeunes femmes parce que je sais que dans ma famille, je suis une sorte de modèle.