LES MOUVEMENTS DE LA BLESSURE

INVITATION À UNE CONVERSATION SUR LES POIDS DE LA GUÉRISON TRANSFORMATIONNELLE

~~~~~

04.30. 2023

À Bobo Dioulasso, la deuxième grande ville du Burkina Faso, une approche traditionnelle de soigner les membres cassés ressemble à ceci : la personne blessée est amenée à un guérisseur traditionnel (souvent un homme), dans une cour remplie de patient.es, un assemblage de corps contorsionnés par la douleur qui peinent à taire leur inconfort. A chaque nouvel arrivant, la question, “comment s’est arrivé?” rompt le son de la souffrance.

Des corps brisés, attendant impatiemment d'être touchés par des mains guérisseuses. Une longue attente, parfois, pour un bref moment de libération de l'agonie de la rupture.

Vivre me semble parfois être un désir continu et un saut vers le corps chaud et aimant de la mère – ce qui nous rendrait entiers ou, du moins, nous libérerait de l'agonie des contradictions et de la séparation.


D'une manière ou d'une autre, nous sommes si nombreux.ses à avoir vécu et à vivre des formes de fissures et de blessures psychologiques. J'irais jusqu'à dire que naître est, pour la mère comme pour l’enfant à naître, un acte de rupture – la cassure d'une union. Tant d'attention est accordée à l'arrivée douloureuse/joyeuse d'un nouvel être dans ce monde que la signification du dernier moment d'union entre une mère et son bébé à naître est souvent ignorée. Je me demande pourquoi un bébé arrive dans ce monde en criant comme si sa vie en dépendait. Et il semble que ce soit le cas. D’un point de vue médical, un nouveau-né qui ne pleure pas au moment de l'accouchement est une source de grave préoccupation et le nourrisson est rapidement emmené pour un examen. Je sais qu'il y a une explication médicale au cri d'un nouveau-né, et cela se traduit comme une expression de bonne santé, mais encore, pourrait-il y avoir autre chose, cachée, autre que l'explication médicale – une raison pour laquelle notre premier souffle est mêlé à un cri aussi perçant, une raison pour laquelle nos toutes premières secondes de vie sur terre sont vécues comme une peur angoissante?

À la base de la blessure existentielle – individuelle et collective – semble se trouver le sentiment de séparation ancré dans un moi-autonome – la notion que l’on est un être individuel et isolé. Cette pensée est plus prononcée dans le soi-disant monde développé, où la tendance prédominante est que (dès ce moment de séparation d’avec la mère) tout le monde et toute la structure de la société vont s'occuper à nous façonner pour devenir cet être egocentric. Considérez ceci – les parents élèvent leurs enfants avec le message selon lequel ils/elles sont la chose la plus importante au monde, ou nos systèmes éducatifs et nos métiers, à travers des systèmes d’évaluations et de catégorisations, insistent avant tout sur la singularité de notre “compétence”/“excellence”/“échec”. Tout cela contribue à nous conditionner à une vision égocentrique de la vie où l’humain en est le centre. À partir de l’étroitesse de ce point de départ, la plupart d'entre nous se consacre à la poursuite de notions individualistes et capitalistes du bien-être, qu'on nous a fait croire pouvaient être atteintes en travaillant de manière productive et en consommant. Par conséquent, cette vision du monde fait que l’on approche la nature et nos relations avec les autres comme des “ressources” à extraire pour nos désirs/besoins.

Dans une telle base de compréhension de la vie – la peur de l’autre (et de la nature), la compétition, la jalousie, l’auto-préservation (avec son aliénation et sa solitude inavouée), et la méfiance envers la vie elle-même – entravent notre connaissance de nos relations à nous-mêmes et avec le monde et, par conséquent, notre capacité à cultiver des liens vitaux. La vie moderne est remplie de contradictions et de confusions. D'une part, nous sommes pris dans le tourbillon et la routine d'une approche de la vie axée sur les objectifs et le succès, et d’autre part, nous sommes confus que notre quête du bien-être semble nous éloigner de ce qui est le plus désiré - les connexions et une vie d'épanouissement. Vivre me semble parfois être un désir continu et un saut vers le corps chaud et aimant de la mère – ce qui nous rendrait entiers ou, du moins, nous libérerait de l'agonie des contradictions et de la séparation.

Je vois le besoin de plus de bravoure et d'articulations plus radicales de nos blessures, dans nos mouvements actuels du bien-être, trauma, de la guérison et de la transformation. Nous avons besoin d'imaginations plus vastes et d'une détermination plus souple pour briser l'emprise de ce que Achille Mbembe a formulé comme étant: “la tentation coloniale constante de hiérarchiser les êtres et les objets” (ndlr), afin que nous puissions sortir des profondeurs de nos blessures individuelles-collectives. Cette tendance coloniale-blanche-suprémaciste-capitaliste-patriarcale à catégoriser les êtres et les objets, a systématiquement condamné un grand nombre de la population mondiale à une vie piégée dans des cycles de pauvreté abjecte, de guerre, de déplacement, de famine, d'exploitation, de criminalisation, de discrimination et, oppression. Nous devons aller au-delà de l'analyse/paralysie et pénétrer profondément dans les blessures de la modernité, de la classe, du genre, de la nationalité, de la race, de la religion, etc. Aller au-delà nécessite une unité, et l'unité nécessite un courage énorme dans un monde qui se nourrit de toutes sortes de divisions existantes et de violences.

Il n'y a pas de précipitation dans l'approche du guérisseur. Il se déplace doucement pour écouter la voix de la blessure, son propre récit de “comment s’est arrivé”pendant qu'il tourne un morceau de bois au-dessus de la zone brisée. La blessure dit son mot et fracasse le bâton au sol. Celui-ci est le véhicule et le messager délivrant le résultat d'un conseil entre la blessure et le sol. Comment le bâton se brise instruit le guérisseur sur la manière de procéder au traitement.

Imaginons – non, réalisons – la formidable transformation et guérison que nous sommes capables de susciter en unissant nos aspirations à une vie plus humaine avec ceux/celles qui ont été balayé.es de nos vies et vers les recoins marginalisés de nos sociétés. C'est ce que Minnie Ransom, un personnage du livre, Salt Eaters, semble nous mettre au défi d’entreprendre tout en nous mettant également en garde contre. Elle nous dit: “réclamer son humanité n'est pas une mince affaire. Beaucoup de poids dans la guérison”. Le poids du courage, d’un éveil passionné, d'une vivacité ressentie, d’un cœur-tendre-brisé-ouvert, de l'unité et de sa solidarité radicale – avec tous les risques et défis intimidants qui en découlent. À travers cet écrit, je nous invite à une conversation dans laquelle nous examinons ensemble ce à quoi nous devons renoncer afin de nous prévaloir du poids de la guérison transformationnelle. C'est une invitation dangereuse, qui n’est pas pour tout le monde. Et cela fait partie de la tragédie car, être pleinement et intensément vivant, ne plus vivre la tête enfouie dans le sable, a un prix élevé.

Dans un écrit récent, Kristin Diggs nous rappelle que : “ressentir son humanité, c'est tomber, loin du fardeau, loin de la servitude, hors du mensonge, hors des anciens enclos, à travers de nouvelles fissures. Il n'y a pas de promesses. Il n'y a que ce à quoi nous nous consacrons et ce que nous sommes prêt.es à embrasser.”(ndlr) Et elle nous avertit que: “cela coûtera, et cela peut nous coûter cher, selon ce à quoi toi, moi, nous, nous sommes accroché.es et à quel point il sera difficile de le lâcher.” (ndlr) Cela nous a déjà coûté. Beaucoup d'entre nous ont assimilé le prix que nous avons payé à la vie elle-même et n'osent pas chercher plus loin. En été 2015, alors que nous attendions une table dans un restaurant sur la côte kenyane, feu mon fils, Yann, m'a laissé bouche bée avec une série de questions. Si je me souviens bien, il a dit: “Maman, quel est le sens de la vie? Je veux dire, à quoi ça sert d'aller à l'école, d'obtenir un diplôme, un travail qui ne nous intéresse pas vraiment, de se marier, d'avoir des enfants et de mourir? A quoi bon traverser tout ça? Est-ce tout ce pour quoi nous sommes ici?” Il avait 17 ans cet été-là. Je me souviens à quel point je suis devenue émue, bien plus tard. La pensée de lui, une jeune personne si tendre et sensible, aux prises avec ces questions existentielles dans ce monde brutal. En même temps, j'étais fière d'être la mère d'un tel être en quête de sens. Il décédera subitement moins de trois ans plus tard.

À son âge, Yann était déjà parfaitement conscient du coût, du poids qu'il devait supporter et des masques à porter – ces choses que nous, les soi-disant  “adultes”, assimilons à la vie et attendons de nos enfants qu’ils/elles en fassent de même. J'ose dire que l'une de nos profondes blessures existentielles vient du fait que la plupart d’entre nous savons que nos vies sont remplies de contradictions, de mensonges, de non-dits et que – cette version de la vie – ne peut pas être le tout. Malheureusement le poids apparaît maintenant trop coûteux pour s’en défaire. Le masque est devenu le visage.

Je suis en randonnée au fond des bois quelque part au Mexique, dans l’émerveillement face à l’état des troncs des madrones, face à la nudité de leurs troncs. La période à laquelle cette nudité se produit– quand les arbres sont matures . Quelle est la requête de la racine à son tronc à la maturité? Combien éplucher, où, et pendant combien de temps? Les madrones ont été surnommés "arbres réfrigérateurs", en raison de l'effet de refroidissement de leurs troncs rendu possible par la façon dont les écorces retiennent l'eau. J'imagine la sensibilité subtile à la vie qui permet à ces arbres, leurs troncs, de savoir quand se peler en paillis pour le sol dans la chaleur de l'été. À quel point ils doivent être totalement impliqués dans le processus de la vie pour savoir quand se défaire d'une partie d'eux-mêmes pour en faire bénéficier le sol et commencer le voyage de la régénération. Nous, les humains, pourrions apprendre beaucoup d'une telle vitalité.

J'imagine la sensibilité subtile à la vie qui permet à ces arbres, leurs troncs, de savoir quand se peler en paillis pour le sol dans la chaleur de l'été.


"Beaucoup de poids dans la guérison." Un type de ce poids est celui de l'éveil – de porter la prise de conscience de son malaise, de connaître les risques et les défis, ainsi que les fruits qui viennent avec toute tentative de réclamation de notre humanité. Ceci, dans un monde qui nous pousse à nous conformer et à recourir à des réseaux complexes d'évasion – apathie, refoulement, déni, distraction, gratification, plaisir, etc. – pour survivre. Dans mon cas, à une époque pas si lointaine de ma vie, en tant qu’activiste, j’étais aveuglée par la notion du “travail important” de “changement" du monde, qui était vite devenue une distraction qui m'empêchait de prêter attention à mon propre être donc de ressentir mes propre douleurs. Et peut-être à juste titre, car qui d'entre nous, d'une manière ou d'une autre, n'a pas parfois recours à l'apathie pour faire face à l'immense douleur que l'on porte dans la vie? L’apathie est une couche protectrice. Comme le paillis d'écorces de madrone recouvrant le sol sous l'arbre, dans la chaleur de l'été. Cependant, pour nous, les humains (contrairement aux matrones) la difficulté réside dans le fait de savoir quand se débarrasser de cette couche. Savoir quand et comment toucher la profondeur de notre être et la lumière intérieure, pour illuminer nos vrais besoins.

C’est tout autrement, n’est-ce-pas? L’instinct de survie est si profond et complexe qu’il y a très peu de volonté/possibilité/courage pour interroger la qualité d’une vie de survie. Cela peut-être dangereux. Donc, nombre de personnes sont dans le déni ou vivent dissociées de leur corps et émotions. Et il y a toute une partie de la société qui est si piégée dans les dynamiques de la pauvreté abjecte à laquelle elle est confinée que imaginer une autre possibilité autre que de la survie humaine, est un grand luxe qu’elle ne peut s’offrir. Cela a sa propre tragédie. Mais, pour celles/ceux qui peuvent interroger la qualité de leur vie, quand on peut se regarder dans le miroir, c’est soit la fuite (dans toute sorte de distractions) ou alors on s'en remet aux autres pour diagnostiquer et guérir nos blessures (dans les contextes où ces aides existent), tout en ne voyant que ce qui est à l'extérieur de nous comme cause de la douleur dans nos vies. Et, bon nombre des causes de ces blessures se trouvent en dehors de nous-mêmes. Pourtant, je me demande comment ce serait de se réveiller à l’existence (et d’atteindre) de cette source rayonnante de la vie en nous. Comment serait-ce de ressentir comment nous allons, de savoir comment nous pouvons (ou non) faire appel à l’immensité de ces forces intérieures d'une manière qui pourrait grandement contribuer à la guérison de nos blessures?

Quant à moi, ce n'est que lorsque j'ai ralenti – assez longtemps – que j'ai commencé à voir, par exemple, à quel point le stress me privait de ma capacité à rester présente dans ma propre vie, à rester sensible, donc à ressentir profondément mes blessures et voir comment elles affectaient ceux/celles qui m'entouraient. À l'âge de neuf ou dix ans, Yann a commencé à attirer mon attention sur le fait que j'étais toujours fatiguée, que nous faisions rarement quelque chose d'amusant ensemble comme avant. En tant que jeune mère africaine nouvellement célibataire en Amérique, j'ai du prendre un emploi à temps-plein dans l'industrie de la mode et avec des horaires nocturnes de travail – la plupart du temps de minuit à sept ou huit heures du matin. La blessure n'est pas une responsabilité individuelle; ainsi, la guérison transformationnelle ne peut pas dépendre uniquement de l'individu. Mais, l'éveil au besoin de guérir surgit en l'individu.

Restituer un membre cassé à sa mémoire nécessite l'implication de nombreuses forces, visibles et invisibles, un conseil chuchotant une route inexplorée pour se souvenir du chemin de la maison. La route est une pommade de terre humide qui sèche rapidement - faisant place à une toile de fissures recouvrant la plaie, permettant à la fragilité du processus de la guérison de rester exposée, engagée dans des conversations avec son environnement, avec la blessure des autres et en relation avec le guérisseur. La danse de la guérison commence là où il y a pas mal d'incertitudes, celle de ne pas savoir quand/si le membre va guérir. Dans ce contexte – à la manière des “pauvres”, des “illetré.es", des “non civilisés” – la guérison est toujours une affaire communautaire “floue” dans laquelle le “confort” et les “réponses exactes” sont accessoires.

"Beaucoup de poids dans la guérison." Une autre couche du poids de la guérison est de faire face à un cœur brisé. Dans ce poids se trouve une intensité rayonnante dans le fait d'être éveillé.e et de ressentir la source de la vie en soi et d’être en contact avec toutes les couches que j' appelle – moi. L'une de ces couches est la peur de devenir inapte à ce monde en le ressentant plus pleinement. Beaucoup d'entre nous craignent également l'ostracisme pour ne pas se conformer à l'apathie. Pourtant, réclamer notre humanité, nous pouvons le faire! Et pour cela, il nous faut nous refaire, courageusement:

du persona/ du mask usé/ l’insensibilité/ le mensonge/ la dépendance/le confort du familier/la confusion/la pression sociale/l’attachement au statut social/le pouvoir/ la peur.

Et se tenir nu à soi-même, et se laisser voir comme tel par les autres. Une perspective terrifiante ou libératrice – ou les deux? Je pense au nouveau-né, qui arrive dans ce monde, criant, nu, collant, avec tout ce qui l'a nourri et rendu possible sa naissance. Avant que la vie n'enterre tout ceci.

"Beaucoup de poids dans la guérison." Un autre poids est la prise de conscience de la nature fragmentée de ce moi-autonome. Il y a aussi le poids du refus d'une telle fragmentation, qui peut céder la place au poids de commencer à ré-imaginer la guérison. Pour moi, cela implique l'unité. Par exemple, celui de l'indivisibilité d'une mère et de son bébé à naître. J'ose imaginer l'unité comme un cordon ombilical – le canal par lequel chemine l'essence de la vie et nous relie les uns aux autres, au visible et à l'invisible. L'unité est aussi le soin affectueux des mains qui redonnent aux éclats d'argile d'un vase brisé une nouvelle forme, qui inclut ses fissures. Selon les mots de Norma Ryuko Kawelokū Wong Roshi, prêtre zen, enseignante et activiste : “Dans le travail traditionnel du bois des îles [Hawaii], des îles aux ressources limitées, vous ne pouvez pas vous permettre de négliger le bois s'il a une fissure ou une fracture ou une imperfection. Vous apprenez au fil du temps et dans l'apprentissage de maîtres avant vous, comment voir et comment ressentir, comment discerner, où la fracture peut être comblée et l'effort, le savoir-faire, pour bien faire ce pont. Vous voyez, ressentez et imaginez le tout.” (ndlr) Un ressenti, une vision, un discernement et un toucher, qui est une médecine. Qui est l'unité autant que la guérison.

Les risques – nous devons reconnaître les risques dans ce genre de guérison. Nous devons nommer et affronter le fait que le sol sur lequel nous imaginons et rêvons de transformations et de guérisons – est brisé, est plein de fissures, de tant de façons et en tant d'endroits. Certaines de ces fissures peuvent être trouvées dans une approche de la vie qui a réduit la vie à des objectifs et buts, une approche qui insiste sur l'identification des aspects “productifs” et des “résultats” de chaque entreprise humaine. Se débarrasser de ces vieux enclos est risqué dans un monde qui punit toute tentative de se libérer de ces poids. Nous devons également reconnaître les clôtures internes, avec leurs trous et leurs fissures de déceptions, de contradictions, de mensonges, de peur, de chagrin et de décennies de conditionnement qui ont durci le cœur. Tout cela constitue la base sur laquelle certain.es d’entre nous tentent de réclamer notre humanité. Nous devons reconnaître les pentes glissantes de ces terrains familiers, faire attention aux risques réels de réinscrire les anciens schémas et nous consacrer à être complètement perdus, ne serait-ce que pour un petit moment. Cela peut être une proposition terrifiante, je le sais. Qui veut se perdre dans ce monde, dans lequel se perdre coûte très cher. Mais nous sommes déjà tellement perdu.es, en fait, et la catastrophe écologique nous le rappelle. Mais, humain.e, nous pouvons l'être! Et la guérison transformationnelle semble nous demander de nous tourner ensemble vers notre peur, d'apprendre à nous débarrasser des poids internes et externes et de toute la violence qu'ils infligent, et d'oser émerger à travers les failles (les fissures et les trous) vers de nouvelles possibilités.

Comme celles/ceux qui ont des membres cassés qui se rendent chez un guérisseur, cherchant la guérison et le soulagement contre la souffrance, certain.es d'entre nous convergent lors de conférences, d'ateliers, de conversations et à travers des livres – pour parler de l'état actuel du monde et analyser la nécessité de la guérison et de la transformation. Cependant, une grande partie de cela est restée dans le cadre de la danse familière et confortable de la dissection intellectuelle. Certain.es peuvent même contester que nous n'avons pas approfondi nos questionnements intellectuelles ou que nous n'avons pas réellement commencé à inclure notre propre corps dans nos recherches et nos explorations, pour être poussé.es à l'action par ce que nous voyons au plus profond de nos blessures. La carte n'est pas le territoire. La carte est nécessaire, comme un doigt pointé vers la lune, mais finalement nous devons réellement voir la lune en nous, puis oser aller dans les recoins au-delà de ce que nos esprits pourraient éventuellement préconcevoir. Voir la lune ici nécessiterait une transformation radicale de notre compréhension de comment vivre humainement et être en relation avec toutes autres vies. Quant à moi, j'ai pris une bouchée généreuse et nécessaire de ce que pourrait être une transformation aussi radicale. Et je mâche. Mâcher sur comment vivre autrement. Je pense que cela pourrait être au cœur d'une telle transformation. C'est là où j'en suis, actuellement. Je suis dévouée à l'acte – pas seulement aux notions de mastication et de digestion – mais aux actions, et à l'apprentissage de la question de mon défunt fils, “Est-ce tout ce pour quoi nous sommes ici?”, et de faire de cette question la mienne.

~~~

Photos et écrit de Mariam Armisen

Previous
Previous

L’éléphant dans nos revendications

Next
Next

The Movements in Woundedness