L’hospitalité aussi c’est
en terme de la pensée
SN Nyeck
19 Août, 2023
Les queers sont en Afrique et le seront toujours qu’on le veuille ou pas, qu’on pense la loi ou pas. Donc la question maintenant c’est quoi: on en fait des démons et on tue comme certains proposent, on en fait des dieux et on les met sur un trône comme d’autres font. Je pense qu’on peut en faire des êtres humains tout simplement. Des êtres humains c’est à dire des gens comme vous et moi respirons, et ne sont ni des diables, ni Dieu mais sont des êtres humains. Voilà l’humanité parce que l’Afrique a un concept d’humanité.
SN Nyeck, Ph.D., Mbombock Koo-Koo, Basaa, Mpoo, Mbati est présentement professeur agrégé multidisciplinaire en études africaines et genre au Département des études ethniques à l’université de Boulder, au Colorado. Ses sujets de recherche sont axés sur l'économie politique du développement, la gouvernance et la réforme mondiale des marchés publics avec un intérêt pour la justice sociale, et les politiques de genre et d'identité. Elle a beaucoup écrit sur des sujets interdisciplinaires tels que les politiques publiques, l'équité entre les sexes, l'éthique et la religion, la réforme des marchés publics, l'inclusion économique et les droits de l'homme. Elle est rédactrice en chef des critiques de livres pour le Journal of Africana Religions.
Féministe
Transcription
Mariam: Là j’aimerais qu’on puisse passer à la question Queer africaine et je me demandais après tout ce que tu viens de dire, ces analyses, ces réflexions, s’il y a eu une évolution ou s’il y a eu une rupture après ton initiation entre tes analyses, tes intérêts, tes approches sur la thématique Queer en Afrique. Commençons même par l’adoption de ce mot anglais et pourquoi pas LGBTQI+? Et ça ne fait que être ++++, donc que si on peut commencer par là.
SN: Je ne pense pas que mon approche a changé avec l’initiation, du tout. L’initiation a simplement créé un espace de responsabilités. Tout comme par le seul fait que je fasse partie de l’académie, ce que les gens appellent les intellectuels, c’est une position qui vient avec beaucoup de responsabilités. Vous savez quand on écrit, chez nous ont dit les paroles s’envolent les écrits restent. Quand on écrit soit avec la pierre, soit avec autre chose, ces choses restent et on essaie de donner de son mieux pour que demain ou après-demain on continue d’éduquer, parce que chez nous en Afrique on dit les morts ne sont pas morts. C’est un poète qui l’a dit, ils sont dans le vent, ils sont dans l’eau, ils sont ici et là, dans la forêt qui danse… Donc ça m’arrive parfois de lire un livre et j’ai le sentiment que cette personne qui est décédée depuis 40 ans l’a écrit pour moi personnellement, individuellement. Donc c’est une responsabilité. Et comme dans toute filière, dans toute industrie, l’être humain est toujours entrain de tergiverser avec les choix de la vie. Est-ce que je fais un choix maintenant pour satisfaire mes besoins ici et présent, ces besoins peuvent être par exemple des besoins d’être connu.e, célébré.e, toutes ces choses-là. Etre confortable, être apprécié.e, avoir des ami.es etc. Donc on écrit d’une certaine façon pour atteindre ses objectifs ça c’est une possibilité et il y a aussi que l’univers étant miséricordieux, la nature miséricordieuse, parfois on a des élans qui nous poussent à faire des choix un peu plus difficiles. C’est-à-dire mourir au soi qui est vanité en fait et laisser surgir, laisser émerger quelque chose de profond qui répare, qui guérit dans le sens profond et holistique du terme. Ce n’est pas facile parce qu’on a toujours tiré ici et là et parfois quand on a pris ce chemin, ça peut être un chemin très solitaire. Il y a un livre que j’ai lu il y a quelques années qui parle de…le titre c’est Philosophy as a Way of Life par Pierre Hadot, donc pour paraphraser c’est un peu comme philosophie comme pratique spirituelle. Je reviens toujours à ce livre parce que là l’auteur demande qu’au début la philosophie n’était pas comme on le pense aujourd’hui c’est-à-dire divaguer dans l’abstrait. Ça n’avait rien à voir. C’était d’abord des exercices concrets pour pouvoir harmoniser le visible et l’invisible et c’est comme ça que nous on l’approche en Afrique, et la vie intellectuelle est un peu comme ça moi j’essaie de voir ça comme ça. Donc le sacré c’est aussi quand je prends mon bic, mon crayon, mon ordinateur ou comme dans ce contexte-là la parole, pour parler. Les Bassa’as sont connus comme des parleurs pas dans le sens de brayer mais il y a chez nous une façon de prendre la parole ; parce que la parole, d’abord même ceux qui lisent la Bible disent tout a été fait par la parole. Au début était le verbe, le locus. Donc ce qu’on dit verbalement, ce qu’on dit par écrit est puissant, donc ce n’est pas quelque chose que je prends à la légère. Donc mon initiation n’a pas changé en soi et pour moi comme je te l’ai dit au départ ce n’était pas une révélation de quelque chose qui était nouveau mais plutôt une confirmation de quelque chose qui était déjà. Et donc je continue simplement dans cette lancée sauf que maintenant peut être est augmenté dans ma pensée l’idée du tout c’est-à-dire que le bateau va couler avec nous tous où personne ne sera sauvée ou alors on va essayer de naviguer pour essayer d’arriver quand même à bord c’est une peu ça, et ce n’est pas toujours facile parce que dans ce bateau il y a des gens que tu n’aimerais même pas voir à coté de toi mais quelque part l’Afrique c’est le bateau et nous y sommes tous.
Mariam: Dans cette question de la question Queer africaine, je me demande qu’est ce qui alimente maintenant tes futures recherches, tes réflexions sur l’activisme et les réalités queer du continent par exemple quelles sont les questions que tu aimerais entendre que les activistes sont entrain de se débattre avec, mais qu’on ne fait toujours pas et pourquoi? Je vais commencer par-là, et déjà si tu pouvais commencer par nous dire pourquoi tu préfères le mot queer par rapport à LGBTQI+.
SN: Déjà je n’ai pas de pronom, je crois que les gens qui sont en Afrique peut-être comprennent ce que je veux dire ou ne comprennent pas. Mais ici maintenant aux Etats Unis peut-être en Europe lorsque vous rencontrez quelqu’un il vous dit mon nom c’est X je suis elle, donc quand vous parlez vous devez parler de moi en tant que «elle» ou «il» ou «leur» je ne sais pas comment on traduit ça en français.
Mariam: Mais c’est pareil hein en Afrique, je vois des activistes au moins se présenter ainsi.
SN: Au niveau des activistes le langage a été intégré mais je crois que du moins en Afrique moins qu’ici ce n’est pas encore intégré au niveau de la société. C’est quoi l’activisme? Je vous ai dit tout à l’heure que le « le Mbombok » est un guide et sa fonction principale que ce soit dans l’économie ou les rapports sociaux et tout c’est de rétablir l’équilibre je ne vais pas rentrer dans la mythologie ou la cosmologie des bassa’as mais c’est un truc universel qu’on voit partout c’est-à-dire qu’on a les éléments du chaos dans un sens, on a des éléments de vertus , on a des éléments de vérités, on a des éléments de mensonges et c’est tout ça qu’on appelle la vie. Nos rituels essaient d’emmener la société à un point non pas comme l’église qui va dire peut être de commandement, par exemple les dix commandements, on n’a pas de commandement chez nous, on ne commande personne. Mais on invite les gens à se connaitre. C’est pour ça que les bassa’as ne sont pas très hiérarchisés comme les autres groupes ethniques au Cameroun c’est-à-dire on a un peu comme une relation horizontale. Donc dans ce sens on peut dire qu’on aime vraiment cette idée de la liberté. C’est quoi l’activisme dans ce cadre? L’activisme s’intègre dans le travail du Mbombok parce qu’on devient un activiste ou une activiste parce qu’on a constaté des inégalités. Je vous ai dit que le travail du Mbombok c’est de rétablir l’équilibre quelque part, parce que c’est seulement quand on atteint un certain équilibre qu’on peut maintenant commencer à parler de justice. Si je te dis aime ton prochain, je te commande d’aimer ton prochain ça veut dire quoi exactement? Ça ne veut rien dire parce que tu n’es pas sûr que ce prochain-là n’est pas pour moi le diable incarné. Ce prochain-là peut être un pédophile qui fait des choses dans la famille et personne n’est là pour me protéger. Alors on a toujours pensé que le prochain c’est une bonne chose, la bonne nouvelle. Non; nous on ne pense pas comme ça, le prochain est complexe, le voisin est complexe, le membre de la famille est complexe. Bon le fait même qu’on constate déjà, qu’on s’assied et qu’on constate que mais tient il y a quelque chose ici qui ne va pas, ça fait déjà partie de quelque chose qu’on devrait apprécier. Maintenant il y a des gens qui s’occupent des enfants, à une époque quand je grandissais c’était le mouvement des femmes. Il y a des gens qui s’occupent de l’environnement, il y a les histoires queers tout ça là. La question n’est pas quel est le problème particulier. J’ai toujours eu de la retenue par rapport aux méthodes et non pas tellement par rapport au problème de fond parce que moi j’ai vécu à une époque où on ne connaissait pas les drogues qu’on fume là maintenant le chanvre ça n’existait pas, enfin ça existait mais je n’ai pas rencontré ça chez moi ni chez mes ami.es on avait peut-être d’autres problèmes mais ce n’était pas ça. Donc aujourd’hui si quelqu’un identifie ça comme un problème sérieux, je ne vais pas dire que comme ça n’existait pas à mon époque, ça ne doit pas exister aujourd’hui. Comme Queer n’existait pas dans ma langue, comme on ne parlait pas de ça donc ça ne doit pas… Je pense que c’est des positions qui moi je trouve ça vraiment étrange. Aujourd’hui je parle à ma famille plus facilement parce qu’on a non seulement internet, on a de l’électricité, l’électricité au village qui est peut être maintenant de l’électricité solaire, on n’avait pas ça. Imagine donc ma grande mère se lever de sa tombe et dire : “Oh vous utilisez de l’énergie solaire? Ça c’est la magie hein ça n’existait pas!” Donc c’est déjà ça le problème. Il faut que les africains, mes mamans, mes frères, mes sœurs, mes papas qui m’écoutent là maintenant comprennent que la société est dynamique. Toute personne qui a peut-être 30 ans, 40 ans peut dire qu’à mon époque ça n’existait pas au moins une chose dans toutes les sociétés. A mon époque ça n’existait pas maintenant c’est une chose qui est là bonne ou mauvaise je ne fais pas de jugement. Maintenant comment adresser la chose? Comment la traiter? C’est là où il y a problème. J’ai toujours dit depuis 20 ans que s’il y a deux choses les plus importantes en Afrique que je vois il y a la religion, il y a la famille. Le droit humain tout à l’heure comme j’ai parlé du mode d’organisation de société, fait partie d’un mode d’organisation de société qui dit que tout le monde a des droits qui doivent être assurés par quoi : la loi qui doit être maintenue par qui : l’Etat. On note très bien que dans ces affaires là on n’a pas invoqué le diable ou Dieu. On a invoqué les gens, les hommes en sang et chair, les femmes qui sont aussi biaisés quelque part. Biaisé veut dire quoi ? Par exemple au Cameroun vous savez que maintenant il y a les problèmes au Sud-Ouest. Quand j’ai grandissais il y avait l’expression Bamenda si quelqu’un t’appelle Bamenda c’est la capitale du Nord-Ouest au Cameroun où vivent les anglophones. Si quelqu’un t’appelle Bamenda tu sais que ce n’est pas un compliment. Donc si tu as vécu toute ta vie dans une région où Bamenda veut dire que tu n’as rien dans la tête, que tu es le dernier des derniers bien entendu tu ne peux pas aller prendre le dossier de Bamenda et juger ça de façon objective : c’est ça que j’appelle biaisé pour expliquer très bien à mes mamans du village. On dit que aka regarde-moi le Bamiléké là? Ça ne veut pas dire que c’est un compliment ça veut dire que je trouve qu’il y a sujet de moquerie en quelque sorte. Bon l’Afrique est un peu comme le Bamenda du monde dans ce sens que quand on veut se voir comme on est, l’Afrique n’est pas très respectée par les pouvoirs qui existent et ça c’est dû au fait que l’homme noir, la femme noire, l’enfant noir a encore les problèmes à exister dans ce monde. Mais l’Afrique c’est notre maman, c’est notre père c’est la marmite qui contient la soupe. Donc lorsqu’on a un problème et qu’on veut le mobiliser pour dire écouter mes frères et mes sœurs, je pense qu’on peut faire mieux. Il est important de le faire dans un esprit de construction et de respect surtout parce que je vous ai dit que non seulement la société évolue mais les institutions aussi évoluent. Ça n’évolue pas vite comme on veut, parce que ce sont des êtres humains qui sont biaisés qui sont dans ces institutions. Mais au moins on se doit si le reste du monde ne nous respecte pas on se doit de nous respecter. Donc lorsqu’on mobilise un sujet comme le Queer, la question qu’on se pose c’est est-ce que l’approche est faite d’une manière respectueuse? Je ne parle pas là en terme de droit. Avoir un droit ne veut pas dire qu’on a raison dans sa démarche parce que la loi ne te dit pas toujours comment faire pour sécuriser le droit ou même emmener les autres personnes à respecter ton droit. On dit ne tue pas, voilà le commandement ne tue pas. Mais ça ne te dit pas comment si vraiment confronté à une situation tu arrives à ne pas tuer. Ne vole pas mais ça ne te dit pas exactement, tu as déjà eu faim? Tu as déjà vu quelqu’un qui a faim? L’enfant est sorti le matin il n’y a même pas eu le café…
Mariam: Exactement!
SN: On a réchauffé le manioc d’hier, le gari d’hier avec le haricot d’hier, un peu comme ça avec l’huile de palme l’enfant a mangé. Arrivé là-bas à l’école si l’enfant a eu l’occasion de ramasser les beignets de quelqu’un gratuitement, va dire à l’enfant-là ne vole pas. C’est-à-dire que la loi est là mais ça ne nous donne pas la capacité, capacitating. Donc créer des capacités ça ce n’est pas le problème de la loi. La capacité de la société africaine à encadrer les queers aucune loi du monde ne nous donne ça. Nous parlons d’un problème de capacité donc qu’est ce qui nous donne ça. Même ici aux états unis, n’est pas on a le Civil right? La loi est passée mais pourquoi les noirs continuent de souffrir dans ce pays? Pourquoi les noirs sont méprisés dans ce pays? Pourquoi les noirs sont tués dans ce pays? C’est parce que la loi dit ne tue pas mais la capacité à sortir la haine de ton cœur ce n’est pas du domaine de la loi. Donc si on revient au départ de la conversation qu’on a eu sur plusieurs thèmes, on voit donc que pour amener la transformation de la société il faut déjà reconnaitre l’être tel qu’il est, pas comme on voudrait qu’il soit. Aime ton prochain comme toi-même, ne me dit pas, je ne peux pas aimer un pédophile qui est à côté de moi, tu me dis je dois aller faire comme si on est amis non. Donc la peur des queers dans un sens peut être rationnelle et je m’explique. Moi au Cameroun j’ai eu la chance de grandir avec des albinos. Ma famille avait une autre famille amie dont l’homme était albinos marié à une femme qui avait des enfants non albinos. Grandissant, j’avais une amie j’ai perdu sa trace, qui a commencé à faire du Judoka je pense qu’elle était la première femme camerounaise a remporté un championnat national. Elle était albinos mais dans d’autres pays j’apprends que lorsqu’on est albinos, dès que vous sortez du ventre de votre maman là, on cherche seulement la route du cimetière pour aller vous enterrer. Vous pouvez penser que c’est irrationnel mais regardez nous tous nous sommes noirs de peau, un moment quelque chose sort seulement comme ça, on va dire mais ça, ça fait peur. L’albinos en Afrique n’a jamais eu une vie normale, soit tu es célébré comme un dieu, soit tu es célébré comme un démon. Donc le cas des queers pour comprendre mes frères et mes sœurs, vous ne comprenez pas, ne cherchez même pas à comprendre prenons seulement le cas de l’albinos. Comme tout à l’heure je vous parlais de la Bible pour nous aider à avoir une conversation. L’albinos en Afrique naît pas parce que c’est de sa faute. La médecine maintenant nous apprend qu’il y a des choses qui se passent et on peut être. Même les blancs sont albinos, toutes les races ont les albinos mais nous on ne savait pas avant. Donc ce qu’on peut maintenant faire c’est que je vais parler en Bassa’a, je vais traduire le proverbe. Chez nous on dit que «Ou yé yibé pon pa’aguè béguè mawon magouôp» tu connais la pirogue, pour pagailler tu as besoin de pagaies. Donc le proverbe que je viens de dire, dit que : «si tu ne connais pas pagailler regardes les oreilles du chien ».
Mariam: Qu’est-ce que cela veut dire?
SN: Cela veut dire que l’imitation, c’est-à-dire quand tu ne sais pas faire quelque chose tu peux regarder pour voir comment est-ce que l’autre là fait. Si la personne là a fait, tu vois que la personne-là n’a pas deux têtes, la personne-là a deux mains, l’arbre qu’il a coupé là n’est pas venu le manger la nuit dans la sorcellerie donc je peux aussi le faire. Donc voilà comment on devrait approcher la conversation sur la question queer. Les queers sont en Afrique et le seront toujours qu’on le veuille ou pas, qu’on pense la loi ou pas parce que c’est comme être albinos, tu ne choisis pas d’être albinos. Donc la question maintenant c’est quoi: on en fait des démons et on tue comme certains proposent, on en fait des dieux et on les met sur un trône comme d’autres font. Je pense qu’on peut en faire des êtres humains tout simplement. Des êtres humains c’est à dire des gens comme vous et moi respirons, et ne sont ni des diables, ni Dieu mais sont des êtres humains. Voilà l’humanité parce que l’Afrique a un concept d’humanité. Je suis parce que nous sommes, on ne peut pas être seulement à sens unique. Donc nous famille-là, l’hospitalité, moi j’ai grandi avec les contes. Tous les contes sont sur l’hospitalité. Mais on ne pense pas que l’hospitalité c’est seulement que quelqu’un passe là on dit «oh il y a une banane, viens partager la banane», c’est aussi ça parce que chez nous généralement tu ne fais pas la guerre pendant que tu manges ou tu bois un bon vin, non, tu ris, tu causes, tu tapes les divers comme on dit au Cameroun. Mais l’hospitalité aussi c’est en terme de la pensée, c’est en terme de ce qui est nouveau. Ce qui est nouveau ne veut pas simplement dire que ça vient d’arriver, ça peut être ancien mais trouve son expression maintenant. Tout à l’heure je vous ai parlé de mon parcours, la conversation que j’ai eu avec ma grande mère, peut être j’avais moins de 7 ans certainement mais je n’ai pas pu comprendre jusqu’à 40 ans après. Donc tout ce qui est, ne prend pas toujours parole au même moment. Chez nous d’ailleurs, lorsqu’un Mbombok s’assoit avec son peuple, le Mbombok parle dernier, c’est-à-dire, il vous reçoit, vous bénit et vous parlez, il écoute, parce que quand Mbombok a parlé personne ne parle plus mais ça ne veut pas dire que quand je dois parler premier personne ne parle plus c’est différent. Donc cette notion d’hospitalité qu’est-ce qu’on en fait? Cherchons les notions de chez nous-là qui nous aide à poser le problème de façon à ce qu’on sente que nous tous là nous sommes comme une famille entrain de débattre quelque chose dans le respect. Mais on ne peut pas poser la problématique en méprisant l’Afrique ou en pensant que c’est un lieu où on impose les lois, ça ne va pas passer les gens vont se rebiffer comme on voit.
Mariam: Merci. Tu viens de parler de poser les mots, et encore je reviens à ma question en disant pourquoi toi tu utilises plus ce mot anglais queer qui est l’alphabet soupe qui est LGBTQI qui ne fait qu’augmenter pourquoi pour toi ce mot queer?
SN: En français si on traduisait queer je pense que ce serait l’étrange. J’ai commencé à utiliser ce terme, jusque-là je n’ai pas encore trouvé un autre terme qui rejoint vraiment ma pensée. Mais au jour d’aujourd’hui je pense qu’on n’a pas besoin de terme. Ce dont on a besoin c’est les thèmes. Les thèmes de rassemblements, les thèmes qui sont africains. Vous savez ici moi j’ai toujours dit à mes ami.es je peux prendre l’avion et j’atterri dans n’importe quel pays en Afrique, je peux parler à n’importe qui, je dis je vais là-bas les gens vont m’aider parce que la conversation est naturelle on n’a pas besoin d’un doctorat pour dire bonjour à quelqu’un. Ce n’est pas comme ça qu’on vit en Europe. On a quand même en Afrique peu importe où nous allons sur une certaine base, on a des éléments en commun. Donc c’est peut-être si je dis en français l’étrange c’est comme si j’étais entrain de philosopher dans l’abstrait ça ne résonne pas vraiment, mais je pense que je ne suis même pas pour la continuation, je pense que le terme a servi, a fait son petit chemin, mais qu’aujourd’hui ce n’est pas l’invention des nouveaux mots, c’est raviver les thématiques dans lesquels on peut s’identifier, tout le monde peut s’identifier. Moi par exemple j’ai appris si quelqu’un t’offre quelque chose tu prends et tu dis merci. Ce n’est pas comme ça que je vois les gens vivre ici. Si je dis à quelqu’un et ben je t’ai acheté quelque chose, il dit non non merci. Tu devrais même ne pas faire ça. Vous voyez donc cette histoire d’échange, cette histoire de dépendre de l’autre, ce n’est même pas une dépendance mais d’apprécier l’autre comme il vient, comme il se donne. On dit au Cameroun, je ne sais pas si c’est seulement au Cameroun, “la façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne”. Ça c’est quelque chose que partout en Afrique la plupart des personnes c’est maman je comprends ce que tu es entrain de dire. Donc réfléchissons à notre façon, comment est-ce que nous nous donnons aux autres. Tout à l’heure on a parlé des affaires par exemple des abus sexuels, tout à l’heure on a parlé du confinement des femmes. C’est une façon de donner de notre présence. Là maintenant c’est le même thème maintenant j’ai reformulé d’une certaine façon. On peut maintenant avoir une conversation sans avoir peur que l’ONU et les états unis sont entrain de nous guetter quelque part. L’affaire de la diversité genre, c’est une affaire qui nous interpelle pour revisiter les thématiques qui sont le fondement, le soubassement de la science africaine comme je l’ai nommée avant. C’est de ça qu’il s’agit, honnêtement c’est de ça qu’il s’agit. Moi parfois les gens sont étonné de mon parcours aux états unis, mon parcours intellectuel mais je dois dire la différence n’est pas que j’avais un cerveau différent. Aux états unis j’ai simplement trouvé cette petite liberté d’être moi. Toute petite comme ça parce que je reste quand même noire, je reste quand même africaine. Mais ce petit espace c’est tout ce dont j’avais, imaginons donc ensemble cette petite ouverture là ce que ça pourrait faire à la nouvelle génération. Oublions même, mettons de côté la nouvelle, une seule petite ouverture qu’est-ce que ça pouvait changer la vie de nos grands-parents, de nos parents qui vieillissent, qui n’ont plus la force. Est ce qu’ils entrent dans leur tombeau regrettant d’être en vie? La façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne. C’est quelle façon nous sommes entrain de traiter nos enfants, nous sommes entrain de traiter nos sœurs, est ce qu’on voudrait que non ne parlez pas de ça comme au Nigéria, vous parlez de ça vous allez en prison, vous faites ça vous allez en prison. Donc vous comprenez qu’on ne peut pas, ce n’est pas fondamentalement africain. Ça ne nous renvoi pas à ce qui est meilleur dans nous parce qu’on a su accommoder des choses dans nos traditions d’une façon ou d’une autre et on ne s’est jamais plaint.
Mariam: Merci. Tu venais tout juste de dire ce dont on a besoin c’est vraiment les thèmes, cette approche qui est vraiment relationnelle et l’humanité, ce qui nous lie et ça ce n’est pas que dans les mouvements queers, dans les mouvements féministes, c’est la même chose parce qu’on vit dans un monde antagonistique où on est les uns contre les autres, et dans cette habileté-là, cette capacité-là de se rejoindre simplement en tant que humain et à travers des conversations, des échanges et malgré le fait qu’on a des espaces, simplement que les gens ont compris , il y a des choses sur lesquels on ne va jamais s’accorder mais cela ne nous empêche pas de nous approcher que cela soit à travers notre humanité qu’on est intéressé les uns les autres, en ce moment il y a des arguments contre des arguments. Tout le monde parle mais personne n’écoute. Je voudrais savoir pour toi quels sont les thèmes que tu aimerais voir les mouvements queers abordés et qui peinent toujours à émerger, quelle est la raison pour ceci par exemple? J’écoutais dans une conversation récente que tu as eu avec la sud-africaine Zhetu Matabeni, où tu disais que les politiques visent les changements et la spiritualité ou les sciences africaines visent la transformation. Si on peut peut-être partir de ceci pour aborder les thèmes que les mouvements, les activistes queers devraient commencer peut être à envisager.
SN: Vous savez lorsqu’on regarde que ce soit du côté asiatique, que ce soit du côté de l’europe, ce que nous appelons intellect comme je l’ai dit au départ émerge d’un certain soubassement, et dans le contexte de l’Europe un palestinien qui a eu peut être la mauvaise ou la bonne fortune de vivre pendant la colonisation de son peuple a donné à l’Europe une histoire à raconter et embrasser le christianisme comme si Jésus était né à Rome. La religion ou la spiritualité n’est pas une petite affaire, ce n’est pas une affaire à négliger dans le sens où, mettons de côté l’histoire de sauver son âme parce que je trouve que c’est aussi très individualiste de penser que je vais souscrire à ceci parce que mon âme est sauvée et vous autres là… Ce n’est pas dans ce sens mettons ça de côté. Si la culture dans le sens large du terme, la religion, la spiritualité a une fonction, tout ça a une fonction c’est-à-dire de raviver l’imagination collective. Et on ne peut pas imaginer l’ordinateur si on n’a pas bien regardé l’arbre qui se tient juste à côté de la maison. C’est ce que l’artiste fait, c’est ce que le sculpteur fait, tu as vu l’arbre mais de là il va en sortir une chaise. Tu as vu quelque chose de très distant, d’inutile mais il va le ramener dans ton quotidien. C’est ce que ceux qui font la musique, ceux qui crée des danses, et il n’y a pas d’espace en Afrique où on peut voir un contexte rituel sans le mélange de plusieurs choses, le récit, le chant, le mouvement, tout ça. C’est ça notre spiritualité, elle a seulement pour fonction de nous donner ce qu’il faut pour ouvrir notre imagination. Ce que je fais à l’université c’est exactement ça mon travail. Ce n’est pas la sorcellerie, ce n’est pas quelque chose de très difficile à concevoir. Le problème maintenant c’est que quand tu as Jésus Christ sur la croix, blanc, barbu, homme. Tu peux te poser la question moi je suis noire, je suis une femme, je ne suis pas barbue. Il faut vraiment une gymnastie intellectuelle pour enfoncer cette image là au point où ça crée une possibilité d’imagination pour toi qui ne soit pas non seulement pour toi mais connectée à ta communauté c’est ça le problème. Ce n’est pas qu’on est contre Mohammed, Jésus Christ et consorts non non ce n’est pas ça. Le problème c’est quoi, dans ce sens je peux dire que les queers ne sont pas, je ne vois pas le queer capable d’avoir cette imagination-là à moins qu’on commence avec une position d’humilité, c’est-à-dire comme je vous ai toujours dit de reconnaitre que oui notre combat est légitime pourquoi, parce que c’est un combat comme dans les autres dont le but final est de rééquilibrer la société. Dans ce sens c’est un combat légitime. Maintenant est ce que je veux imposer quelque chose parce que je pense que c’est bon ou est-ce que je veux amener cette transformation? Mais tu ne peux pas amener la transformation sans composer avec tous les éléments de la société. Je pense que la révolution ou le changement ou la transformation va arriver lorsque par le biais des conversations comme ça, on commence comme on dit en anglais, to make sens. C’est-à-dire on parle quelqu’un dit, «oui je comprends mais tu sais quoi je ne suis pas toujours d’accord avec toi ». Comme on parle dans les coins de rue au Cameroun, «je comprends ce que tu veux dire mais tu sais quoi je ne suis pas toujours d’accord avec toi ». C’est déjà un pas je comprends ce que tu dis, mais pour le moment-là la société ne comprend rien du tout. Mais il va falloir plus un effort du côté des activistes pour se dire ça c’est un combat à long terme et tu ne peux pas le faire si tu n’as pas l’amour pour ton contexte, je ne parle pas d’un sentiment passager.
Mariam: Déjà dans ce cas je ne suis pas, peut-être légèrement pessimiste, disons que dans ce cas-là on est foutu alors
SN: Peut-être il faut la peine d’être foutu.
Mariam: Oui, de toute façon donc…
SN: Il faut échouer…
Mariam: C’est ce que je me dis en ce moment il faut qu’on soit royalement foutu en tant que mouvement queer pour créer quelque chose d’autre et utiliser ceci comme engrais pour quelque chose de nouveau, de radicale et de relationnelle puisse en sortir parce que dans la même conversation avec Zethu, tu parlais du fait que c’est ce focus mais vraiment et extrêmement étroit sur les questions des droits de groupe et le fait qu’on est devenu les marionnettes de la philanthropie, des ONG internationales, autant dans les mouvements des femmes et féministes que dans les mouvements queers, dans toute la société civile entière africaine, donc je vais être aussi sure que ce n’est pas que les mouvements des femmes ou les mouvements féministes ou des mouvements queers mais toute la société, l’entière société. Et même le gouvernement, bon bref on va même pas entrer dans cette dimension-là, je disais à quel point on a contribué même, de façon involontaire à ternir l’image de l’Afrique parce du fait que l’Afrique n’est pas respectée et en tant qu’activiste féministe, en tant qu’activiste femme, en tant qu’activiste queer et tout, comment on y a contribué en épousant cette narration occidentale, on a contribué à ternir l’image du continent ça c’est quelque chose de tellement tabou dans tout le secteur de la société civile, on ne parle pas de ceci. Donc comment avoir le respect tu disais et l’amour pour son contexte et c’est le contexte qui donne raison et qui donne naissance à notre activisme, qui nourri notre activisme et on fait partie de ce contexte, on est ce contexte. Le contexte n’est pas quelque chose de physique et abstrait, le contexte c’est les relations entre les êtres humains exactement. Donc mais quand dans les approches on commence à analyser le contexte mais du point de vue où on sort de ce contexte là pour analyser pourtant on veut faire partir de ce contexte là pour venir mettre en place ou réaliser ces analyses-là. Donc il y a tellement de tensions et de contradictions et vraiment j’apprécie le mot que tu viens de dire l’amour et le respect pour son contexte si on peut partir de là.
SN: Vous savez parfois les gens ont l’impression que si on dit valorisons nous, c’est comme si on donnait carte blanche à l’Etat de faire n’importe quoi donc parfois les gens pensent que si tu n’es pas dans l’antagonisme, dans le denouncement de ci et ça, ça veut dire que tu es complice et je pense que c’est quelque chose que parfois les activistes poussent à l’extrême, c’est-à-dire que le fait que je suis anti, je peux te dire ce que je suis anti mais je ne peux pas te dire ce que je suis pour. Non ça ne veut pas dire la même chose. Il faut reconnaitre que l’Etat est très problématique en Afrique, ça on le sait on n’a même pas besoin d’une ONG. Va dans les pays et demande combien de temps ça te prend de renouveler ta carte d’identité, tu sauras parce que tu n’as pas besoin d’un rapport de l’ONU, les gens savent. L’amour est la seule expérience qui n’a pas besoin d’interprète. C’est à ça le langage de l’amour, quand un enfant nait il n’a pas besoin… l’enfant peut savoir que ça c’est un danger même s’il ne parle pas et ça c’est le visage de ma maman, là non c’est un étranger je le connais pas, là oui c’est ça. C’est dans nos molécules, c’est dans notre ADN comme on dit, donc on peut se dire oui mais est que l’Etat alors n’emprisonne pas les gens là-bas, oui tout ça, ça se passe, je ne dis pas que c’est nécessairement les choses à cautionner ou à encourager. Ça se passe on a pas besoin de midi à 14heures. La question c’est : C’est quoi ton rôle, c’est quoi mon rôle dans ce contexte? Je n’aime pas beaucoup l’apôtre Paul mais il y a un verset qu’il dit souvent que j’aime souvent rappeler aux chrétiens en parlant du salut éternel il dit souvent que après avoir souffert pour un peu de temps nous sommes dans un contexte où personne ne peut plus souffrir, c’est la spiritualité popcorn tu pries pour devenir riche, super riche maintenant tout c’est comme ça... Non mais après avoir souffert en peu de temps, je ne fais pas la propagande de la souffrance mais je veux dire moi j’entends par souffrance, la retenue. C’est la retenue qui fait que quand tu as un frère, un enfant ou un partenaire, et il y a des jours où ce partenaire peut te rendre triste, c’est la retenue qui fait que sur le coup tu dis je ne suis pas content, mais c’est un partenaire à vie quand même. Donc c’est des petites choses qu’on sait au niveau individuel mais je pense qui sont devenues très difficiles parce qu’on pense parfois que l’Etat est comme quelque chose que si tu appuies sur le bouton ici ça marche non, c’est les êtres humains qui font le fonctionnement. C’est-à-dire que si nous avons cette conversation que nous avons là maintenant. L’Etat fait partir de cette conversation. A partir du moment que nous commençons, pensons différemment. A partir du moment où on dit tu sais que quoi, je sais que mon voisin là… mais je peux maintenant dire ouais, je peux l’aimer différemment. Je ne vais pas tomber dans son piège parce que c’est un pédophile je ne vais pas envoyer mes enfants passer la nuit là-bas ou aller jouer avec lui. Donc je vais dire c’est un être humain il est parti en prison, il est revenu, voilà maintenant voilà quel cadre je lui permets de vivre, je lui permets d’être actif dans la société, et de donner de son mieux. Donc l’Etat c’est nous. Honnêtement il faut qu’on rentre à cette notion là parce que l’Etat comme un truc étranger, oui c’est ça qui est arrivé sur le plan historique, c’est ça qui arrive aussi au niveau des politiques, les gens sont aliénés mais on n’a pas d’alternatives parce que soit nous tous on va, seulement se droguer, tu sais bon quand on est drogué la vie va bien ou alors on va faire des guerres sans fin mais on ne peut pas prendre ni l’un ni l’autre. Donc l’Etat c’est nous avant que la machine se transforme, le cœur doit se transformer. Le respect mutuel doit se transformer. Les parents doivent apprendre à aimer leurs enfants dans le sens humain du terme. L’église doit apprendre à interacter avec la société africaine dans le sens humain du terme, les partenaires doivent apprendre, les ONG, nous tous nous interactons avec la société africaine. Nous devons apprendre et nous partons d’une position d’humilité, moi-même y compris dans ma façon d’écrire, dans ma façon de parler. Ce n’est pas que je nie qu’il y a des problèmes mais je dis simplement qu’enfin de compte je prends mes problèmes pour aller les exposer à qui exactement parce que la personne-là n’a pas de problèmes? Tout le monde a des problèmes.
Mariam: Exactement, il y a cette question d’humanité. C’est une question si profonde et je viens de finir une étude sur la question de la montée de la popularité du concept de la résilience et vraiment je parlais de cette question en fait de notre humanité et de l’humilité pourtant on est dans un contexte de plus en plus incroyablement violent et déshumanisant. C’est à partir de ceci, de cette blessure non examinée qui amène surtout les activistes dans les espaces d’organisation, on ne prend pas soin de ces blessures-là et ces blessures perpétuent aussi des violences et on est vraiment dans un cycle. Comment arriver à se réapproprier son humanité, est un projet personnel et collectif et radical de transformation dans un monde qui fait de nous de plus en plus des inhumains parce que cette question d’amour ne vient qu’à travers un cœur tendre, un cœur qui est ouvert et un cœur qui est aussi capable et même invite à se briser à milles morceaux pour pouvoir accueillir plus de souffrances et tout. Mais ceci n’est pas du tout le cas dans notre sens. Je t’ai entendu dire récemment où tu disais cet activisme c’est pour quelle fin exactement? Et je pense que si on se permet une lourde conversation avec soi et sur cette question pour quelle fin? Donc cet aspect de l’amour, cet aspect du respect de soi-même et c’est aspect du respect de son contexte, de l’amour de son contexte, de l’humanité, je pense que c’est à travers cette question pour quelle fin, on peut commencer, repartir de la base et cela demande un grand sacrifice, cela demande pour la première fois d’avoir des objectifs, des thématiques qui sont ancrées, qui ne nous intéressent pas de courir après des agendas des bailleurs parce que ça a toujours été le cas et pas simplement que dans nos mouvements queers encore c’est dans tous les mouvements, pour quelle fin? Que ce soit avec le mouvement des femmes, avec le mouvement féministe et tout ce qui va avec. Pour quelle fin? Si à travers ce que nous faisons on se met tellement contre notre contexte, on est en guerre contre le contexte, on est le contexte on est en guerre contre soi-même. Comment est-ce que on ne peut imaginer le futur? Pour moi, cette question pour quelle fin, elle est cruciale dans nos réflexions en ce moment.
SN: Oui parce qui s’agit d’un problème d’éthique, c’est pour ça qu’au départ j’ai dit il y a des choix qu’on fait parfois par contrainte, mais il y a des choix qu’on peut aussi faire, même sans contrainte on fait des mauvais choix. L’éthique ce n’est pas pour l’autre, c’est d’abord pour soi. C’est d’abord parce qu’on est rempli de fierté, c’est parce qu’on a une clarté par rapport à qui on est, de qu’est-ce qu’on peut apporter et qu’est-ce qu’on apporte, on a besoin d’intégrité, parce que quand on n’est pas intègre, c’est d’abord qu’on n’est pas intègre soi-même, contre soi. Alors la rigueur et l’honnêteté intellectuelle c’est ce qu’on a besoin au niveau de ce qu’on publie nous qui sommes dans les universités et autres là. Mais l’honnêteté veut aussi dire, tu ne peux pas voir un être humain, on a tous les phases des hauts et des bas, moi je connais des gens dans ma famille qui hier m’ont fait du bien ou en grandissant m’ont fait du bien, aujourd’hui sont des diables incarnés et peut être demain seront autre chose. Donc il faut connaitre toutes ses phases là, nous ne parlons pas d’un pays en particulier, nous ne parlons pas d’une situation en particulier, ce que moi je vis est infiniment petit par rapport à la souffrance qu’un pays comme le Cameroun, comme l’Afrique du Sud, comme le Gabon, comme le Mali, comme le Soudan c’est-à-dire si on prend nos collectivités y compris la souffrance que nos dirigeants aussi expérimentent parfois dans le silence, parfois dans le privé. Les contraintes, les insultes ou le mépris, on ne sait pas mais on peut avoir une idée parce que moi qui ai eu la chance de rentrer dans certains cercles, je vois que même la bas plus haut tu montes plus on ne te respecte pas toujours et je te parie que c’est la même chose avec nos présidents de la république, avec nos ministres et tous ceux-là. Nous ne sommes pas par ontologie plus corrompu que d’autres êtres humains, mais le cas nous détermine beaucoup donc je pense que plus on connait, on dit que à celui qu’on a donné on demandera plus. Nous qui connaissons, le savoir, je ne veux pas dire tu as les diplômes, doctorat et ci, tu connais ta réalité quotidienne, tu connais que l’enfant ci qui vit à côté de moi là, il n’a pas de problème, il respecte tout le monde, il vit sa petite vie. Quand les politiciens viennent pour dire que arrêtons le, tuons le, tu fais un choix pour te rallier à eux mais si tu étais intègre tu allais dire que ce n’est pas la réalité que je connais, ça là je n’ai pas encore vu. C’est ça qui va finalement nous aider. Quand on a le courage de dire la vérité sur son frère, sur sa sœur, sur son voisin, c’est comme ça qu’on va répudier petit à petit comme tu dis le discours sur l’africain, le discours sur nos sociétés que parfois nous-même nous créons, que parfois nous-même nous acceptons seulement sans esprit critique. Donc là vraiment je pense qu’il n’y a pas d’autres moyens. Il n’y a pas d’autres moyens que la transformation d’où l’intérêt de la spiritualité parce c’est le seul cadre qui adresse l’intériorité de l’être. L’Etat n’est pas là pour ça, j’ai fait les sciences politiques, j’ai fait le droit, je vous dis que aucun Etat, la preuve c’est quoi? Je vous donne la preuve, on a vu des élections dans un pays développé récemment, on a vu le type de caractère qu’on a élu, on a vu un caractère qui peut se tenir devant le monde entier utiliser son pouvoir et insulter toute l’Afrique. On a vu ça. Les choses que même un enfant, c’est-à-dire il y a des choses que tu te dis mais tient même si tu penses à ces choses quand même on ne dit pas tout à haute voix moi on m’avait appris en grandissant. Quand tu vois les choses comme ça, tu comprends que l’école, les grands diplômes, les présidents de si, les présidents de ça, le banquier de si, le banquier de ça c’est bien, on a une bonne rémunération, on peut vivre bien mais ça ne nous renseigne pas sur le caractère des uns et des autres. Donc sachons calibrer nos expectations. Si nous sommes dans le travail de transformation, sachons exactement quel est notre audience, aucun Etat dans le monde n’a pour fonction de modeler les caractères. En fait tout Etat qui a essayé de le faire comme Hitler a basculé de l’autre côté ou c’était vraiment l’autocratie et les camps de concentration. On ne peut pas forcer ce processus. Donc ne négligeons pas nos thématiques, ne négligeons pas notre façon de faire, ne négligeons pas notre capacité à créer et souvent c’est le fond de notre spiritualité qui nous donne ça, et c’est parce qu’on a toujours fait.