Monique, la Grâce d’une Manbo Féministe

Monique Dauphin

16 Mars, 2023

Des femmes paysannes ont trouvé bizarre que je leur pose la question, qui garde vos enfants. Elles ont dit, “mais madame Monique, on a des compagnons. Ce sont eux qui gardent les enfants. Ils savent faire à manger.


Monique Dauphin était une Manbo féministe Haïtienne-Canadienne

Féministe

Transcription, première partie

Rencontrer Monique c’est faire la rencontre d’une présence gracieuse, débordante de vie et de chaleur humaine. C’est une combinaison d'énergies magnétiques qui vous attirent vers Monique sans que l’on s’en rende compte. J’en ai fait l'expérience en 2016, à Salvador de Bahia, au Brésil, lors du tout premier forum des féministes noires. J’ai été attirée par Monique, intriguée par cette femme élégante qui me taquinait à chaque fois que l’on se croisait. Le contact facile et l’aisance dans nos échanges donnaient l’impression de retrouvailles de deux connaissances. Mais les petits mots échangés entre les programmes du forum me laissaient sur ma faim. Je devais en savoir plus sur cette dame; alors je lui ai demandé si elle se prêterait à un entretien avec moi pour un projet qui cheminait toujours dans ma tête mais dont je savais serait centré sur les féministes africaines et les noires. Alors, lors d’une pause, nous trouvions un endroit sous les arbres, dans le jardin de l'hôtel qui m'hébergeait et pendant plus d’une heure, Monique a bien voulu partagé un peu de son parcours avec moi. 

Des circonstances de la vie ont fait que je n’ai pas pu développer le projet en son temps. Quelques années sont passées, sept pour être exacte. Et un bon jour, je sors mon disque dur pour réécouter les enregistrements. Je commence avec celui de Monique. A la suite de cette écoute, j’envoie un vocal de WhatsApp à Valérie Bah lui demandant de partager le contact de Monique pour que je puisse rentrer en contact avec elle. C’est là que Val a partagé la très douloureuse nouvelle. Monique Dauphin nous a quitté•es il y a quelques jours. 

Monique voyait le besoin de faire un travail d’archivage des histoires et du travail des féministes noires. Lors de notre conversation, elle disait que c'était à notre génération de féministes d’entreprendre ce projet. Ce partage de notre conversation est ma façon modeste de lui rendre hommage. 

Cette transcription a été très légèrement éditée et produite en deux parties. Dans la première partie, Monique nous donne un petit aperçu de son parcours personnel et le début de son engagement feministe. La deuxième partie porte sur engagement feministe entre Haïti et le Canada, le Forum des Féministes Noires et la spiritualité.  

Monique Dauphin: Okay, moi mon nom est Monique Dauphin et comme tu vois, je porte un nom. Je ne sais pas s’il y a des familles Dauphin en Afrique. Tu t’imagines pourquoi je m’appelle Dauphin… Les maîtres de mes ancêtres c'était l’habitation Dauphin, alors je dois être une descendante des esclaves qui ont habité cette habitation parce qu’il fallait porter le nom du maître. Okay? Pas de la maîtresse mais du maître. (Rires).

J’ai 69 ans, en Mars j’aurai 70 ans. C'est ça. (Elle répondait à mon regard incrédule). Mais, je suis une femme noire, qu’est ce que tu penses? Rires. Oui, c'est ça. Je suis une femme noire. Tu ne peux pas lui donner son âge, comme à toi. C’est toute la philosophie aussi qui nous accompagne. Qui fait que la notion de l'âge, c’est aussi tous nos rapports avec nos esprits. Des fois ça peut être un esprit vieux qui est là et puis là tu vas ressembler à une grand-mère et des fois c’est un jeune et beau esprit, tu vas avoir 18 ans.

J’ai mis trois enfants au monde, deux filles et un garçon. Lesquels enfants m’ont donné huit petits enfants. Donc je considère que je suis une femme extrêmement riche, meme si je n’ai pas un sous. Extrêmement riche et j’ai aussi la grâce. J’ai une maman de 102 ans le mois prochain. Donc, je suis issue d’une famille de grâce.

J’ai dû quitter Haïti en 69 alors que j’étais âgée de 22 ans. Bien sûr j’ai dû fuir la dictature parce que mon père était un opposant visible et déclaré. Et ça, ça a attiré la foudre de Duvalier. Mais c’est là aussi que s'est construit tout mon rapport avec mon environnement. Mon rapport avec la société. Mes convictions politiques. Mon parti pris pour les plus faibles. Tout ça, ça s'est construit là. J’ai aussi une partie culturelle. Parce qu'on est une famille, tout le monde sait que dès qu’on est Dauphin, on est artiste. Donc à 14 ans j’ai commencé à faire des activités culturelles. Et mon père, contrairement aux autres pères de la communauté, mon père nous accompagnait parce que lui-même était musicien. Il avait toujours son groupe de musique et moi a 14 ans j’ai créé une troupe de danse.

Et, j’ai dû quitter tout ça! Pour me sauver la peau! Parce que j’étais plus tôt une jolie jeune adulte. Et mon père nous disait toujours, “faites attention! Vous savez que les macoutes qui étaient les hommes de Duvalier, quand ils veulent une fille, une femme, ils vont venir la chercher, même chez elle! Et moi, si jamais un macoute arrive ici, je me fais tuer devant vous. Parce que, il y a pas un macoute qui mettra la main sur ma fille.” Donc ça a été quelque chose d’assez difficile parce qu'à 22 ans, on commence à regarder les garçons. Les hommes nous regardent, et même avant on nous regardait déjà. Donc, quand je suis partie, ça a été comme un grand soulagement pour la famille parce que j'étais plutôt une fille qui attirait les gens. Je ne faisais pas vraiment quelque chose pour ça. Et, jusqu'à présent, j’attire encore les gens. J’avais une personnalité. D’aucuns disent que c’est mon sourire qui attire les gens.


Mariam Armisen: Combien d'années à peu près se sont passées avant de faire rentrer toute la famille?

Monique: Je suis arrivée (au Canada) le 25 Octobre (1969) et en Juillet, une première sœur est arrivée. Après ça on a fait venir maman, parce que mes plus vieilles ont commencé à avoir des enfants et maman est venue avec les autres et il y a d’autres qui sont arrivé•es après. Bref, toute la famille était là. Maintenant c’est la deuxième génération. Tout le monde est là et même qu’il y a une troisième génération qui commence.

Donc, la piqûre féministe. Maman me dit que, on ne connaissait pas encore ce mot la mais elle m’a dit que, “du plus loin que je peux remonter, te concernant, tu as toujours été féministe.” Elle a dit, “très jeune, tu dénotais la suprématie de ton père sur moi. Tu trouvais que ton père était comme un roi et moi, j’étais comme une servante.”

A l'école aussi, je me souviens, - n’oublie pas que je t’ai dit que j'étais dans une école professionnelle et ménagère,- donc on t'apprenait à tenir une maison. Mais pour qui on t'apprenait à tenir cette maison-là? Est ce que c'était pour ton bien-être à toi? Non! C’était pour que tu sois une bonne femme pour ton futur mari. Et moi, je m’obstinais avec les bonnes sœurs déjà. Et ça, ce sont les anciennes professeures qui me racontaient ça. Je m’obstinais à savoir pourquoi je dois apprendre a reprisé seulement les pantalons. Les femmes, nous aussi on porte des robes qui peuvent se déchirer, pourquoi on reprise pas nos robes?! Pourquoi c’est toujours les pantalons? Ensuite, on nous faisait laver les toilettes, etc. Mais ca, c’était pas si grave mais c’était surtout à chaque fois qu’on nous apprenait à faire quelque chose, on nous faisait savoir que c’était pour qu’on soit une bonne femme. Et moi, j’avais déjà des problèmes avec le mariage, j’ai même voulu aller me faire réligieuse pour justement échapper à cette condition de femme. Donc, la piqûre, je l’ai eu là. Maintenant je ne savais pas quoi faire à part critiquer, je ne savais pas quoi faire.

C’est quand je me suis inscrite à l'université de Québec que j’ai commencé à entendre parler de féminisme. Et à mettre des contenus dans des comportements que j’avais déjà. A mettre un titre, un mot. Mais, c'était avec des femmes blanches. Moi, féministe noire je n’avais pas encore. Mais, y avait des inconforts, des incompréhensions, des frustrations, mais en même temps, ce sont elles qui m’ont transmis les outils pour analyser mais aussi les outils pour contrecarrer.

Entre-temps j’ai eu mes enfants, je travaillais, j’allais à l'école… J’ai élevé les enfants toute seule parce qu'à un moment donné, j’ai dû me séparer de ce monsieur là qui était entrain de m’abrutir. Et encore, ça c’est la flamme féministe qui me l’a permise… parce que moi, j’ai beaucoup de difficultés à ne pas lier la pensée et la parole au geste.

Alors je suis partie. Je suis partie parce qu'à cette période là, c’était le sauve-qui-peut. Donc, une religieuse qui était mon enseignante et qui est partie au Canada et elle a commencé à étudier comme travailleuse sociale. Et là, elle a élaboré un projet qui consistait à nous trouver des familles où on pouvait venir travailler comme domestique. Et ça, ça nous permettait de quitter le pays. Et moi, j’ai terminé un diplôme à l'école professionnelle parce que je devais m’organiser pour finir l’école vite. Parce que j’apprenais beaucoup plus en dehors de l’école qu'à l'intérieur de l’école. C’est sûr que la société à cette période ne permettait pas vraiment ça. Donc j’ai terminé mon cours professionnel et ménager et cette religieuse nous a trouvé des familles. Et la première fille qui a été choisie c’est moi. Et j’ai été la première et la dernière personne. Le projet n’a pas marché. Et moi-même, je me suis retrouvée ici avec deux objectifs - faire rentrer ma famille (Au Canada) et aussi faire rentrer mes camarades de classe qui elles n’ont pas eu la chance de venir comme moi. Et qu’est ce que je faisais? Je travaillais comme domestique, avec tout ce que cela comporte de charges de travailler et la madame chez qui je travaillais était diabétique et je devais m’occuper d’elle. Je devais m’occuper de tout un appartement de neuf pièces, laver les murs, laver les rideaux… et m’occuper d’une madame aussi, dont son mari l’avait laissé tomber pour une jeune fille Haïtienne. Mais, ca c’est pas elle qui m’a raconté ça; ceux sont les enfants qui m’ont raconté; “mon père a une belle Haïtienne comme amante.” Alors, ça aussi, je devais vivre avec ça! Voilà comment ma vie en diaspora a commencé.

Je suis restée là jusqu'à onze mois. J’avais une demi-journée de congé par semaine. Et à un moment donné, j’ai décidé d’aller en manufacture comme beaucoup de jeunes femmes. Mais, en manufacture, j’ai connu les pires moments. Parce qu’autant que je me sentais utile chez la madame où je travaillais, mais à la manufacture, j'étais un numéro. Et ça, c’est quelque chose que je ne pouvais pas supporter. Donc je ne suis pas restée longtemps. Et, je suis allée travailler comme puéricultrice, ca c’est un cours que j’avais pris en Haïti qui m’a servi. Et là encore, c’était aller comme puma, c’est-a-dire, c'était aller s’occuper des enfants des blancs. Parce que ce sont eux qui ont les moyens pour se payer une nounou. Je suis restée là quelques années. Et là encore, aucune vie sociale parce que j’étais confinée et c'était dans les quartiers huppés qui n’ont rien à avoir avec ta réalité!

De fil en aiguille, je suis retournée aux études, comme je dis des fois, pour écouter. J’ai pratiquement fait tous les métiers qu’une jeune fille honnête pouvait faire. J’ai fait des ménages, j’ai fait de la couture… j’ai fait toute sorte de choses.

Et maintenant, la piqure féministe! Mais avant ça, j’ai fait rentrer toute la famille! Toute la famille.

Donc, mes premières applications du féministe ont été dans mon couple. Dans ma famille. A travers l’éducation des enfants. J’ai un garçon! Alors, il fallait pas que habiliter mes filles à être des femmes libres, des féministes et sans tenir compte du fait que j’ai un garçon qui lui va côtoyer des filles. Alors, il fallait, là aussi, agir sur la façon dont on élève un enfant. Donc mon fils faisait tout comme mes filles. Les jouets. Les jouets sont dirigés - les filles c’est tout ce qu’il faut pour meubler une cuisine et les garçons, ce sont des jouets qui vont développer leurs esprits. Alors moi, il fallait que j’agisse là. Donc, mon garçon jouait avec les poupées! Il faisait à manger, il faisait tout ça et puis mes filles, je leur donnais de grandes boîtes de peintures, de crayons de couleurs avec du papier, ou elles pouvaient s’exprimer. Les trois pouvaient s’exprimer. Sur les murs de ma maison, c’était toujours tapissées de grandes feuilles parce que les enfants s’amusaient à s'exprimer avec la peinture.

Ce n’est pas facile d’autant plus que quand tu es mère monoparentale comme le terme le dit, tu dois t’occuper de plein de choses. Mais quand tu es consciente, encore une fois du rôle que tu dois jouer, parce que toi tu as embrassé une idéologie, le rôle que tu dois jouer pour que ces enfants là ne reproduisent pas les stéréotypes. Parce qu’on est pas seule à élever nos enfants. C’est difficile. Des fois on a envie, ouf, de laisser faire.

Maintenant, féministe noire! J’essaie encore de me rappeler quand est ce que le fait noir est rentré dans mon parcours.

Je suis rentrée en Haïti en 95 quand Aristide est rentré. J’étais une des personnes qui s'était battue pour le retour de la démocratie là-bas. Alors, quand il est rentré, moi je suis rentrée aussi avec mes deux plus jeunes enfants, 11 et 12 ans. C’était un très mauvais moment pour changer les enfants de pays. Mais moi, je ne savais pas ça et de toute façon, j’avais un objectif à atteindre. C'était de retourner vivre dans mon pays. Donc, je suis partie avec eux et je me suis impliquée dans le mouvement féministe Haïtien. J’ai travaillé avec toutes les femmes qui étaient organisées. Je suis rentrée par une porte très importante qui était le nouveau ministère à la condition féminine et aux droits de la femme. Je dois dire que là, et malgré le fait que je travaille ici aussi avec des femmes noires, mais le fait noir n’était pas vraiment…

Je me lance, hein, pendant que je te parle des choses reviennent.

Mariam: Absolument.

Monique: Le fait noir n’était pas vraiment, comment je dirais, c’était pas un enjeu. Et quand je suis retournée en Haïti, j’étais dans un bain! Le fait blanc n’existe presque plus. C’était des bailleurs, okay on savait comment dealer avec eux. Donc j’ai milité avec des femmes, des noires et même si, comme je te dis, c’était pas l’enjeu d’origine. On ne mettait pas ça sur la table, c’était comme normal qu’on soit entre nous. J’ai même contribué à mettre en place une organisation qui s’occupait de l’inclusion des femmes dans les sphères de pouvoir. Les Fanm Yolas, jusqu'à présent qui existe.

Et en revenant, parce que j’ai dû quitter Haïti après six ans, en revenant, je suis allée travailler à la Maison d'Haïti.

Mariam Au Quebec?

Monique: Au Québec. Et là, j’ai commencé avec un projet qui s’appelle Au Future, qui est un projet d’insertion sociale des jeunes mamans de la communauté noire. Pourquoi un projet d’insertion destiné aux mamans de la communauté noire? Et bien, parce que, à l'hôpital Saint François d’Assise, qui est le plus grand hôpital des enfants, on a constaté que deux ou trois pour-cent des jeunes filles noires portaient leur bébé à terme. Par contre, porter leur bébé à terme signifiant pour elles de grandes difficultés parce que c’étaient des grossesses qui n’étaient pas acceptées.

Contrairement à notre culture où l’enfant est un cadeau du ciel et quelque soit la façon dont il arrive, il est le bienvenu. Et s’il n’a pas de papa, il a l’image paternel à travers les hommes de la famille. Mais là-bas (Au Canada), c’est devenu un poids parce que la famille vit déjà tellement mal et voilà que cette fille-là, qu’on a mise à l'école, qu’on a fait des sacrifices, qu’on attend qu’elle ait un diplôme, qu’on attend qu’elle puisse venir donner un coup de main à la famille, la voilà avec un ventre.

Donc, dans beaucoup de cas, ces enfants sont éjecté•es de la famille, éjecté•es de leur milieu scolaire, de leur groupe, de leurs ami•es. Elles se trouvent seules avec un ventre; sans argent, sans éducation. Donc, ce projet justement, qui s’appelle Au Future, les projetaient dans l’avenir, et surtout leur faisait comprendre qu’avoir un enfant ne voulait pas dire que c’était fini. Au contraire, ça commence. Parce que, pour la première fois, elles vont avoir une responsabilité. Tu sais de quoi je parle. (Rires). Un enfant c’est pas une poupée. Ça a besoin qu’on s’occupe de lui. D’autant plus que nous avons une institution qui s’appelle l'institut de la projection de la jeunesse, qui est là, qui attend les failles pour arracher l’enfant. Donc il fallait les aider à porter l’enfant. Parfois ça pouvait aller jusqu'à dormir à l'hôpital pour l’accouchement, à aller les aider à la maison pour l’installation, à aller faire du ménage, à aller préparer à manger… Pratiquement remplacer les parents.

Je crois que cette réalité, surtout quand les filles sont venues me dire, “madame Monique, tu sais, nous on ne peut pas aller dans les organisations, les associations des blancs. On n’est pas à l'aise. On ne nous entend pas! En même temps, elles disent que nous sommes des minorités visibles, mais on ne nous voit pas!” Donc il y avait un besoin qui a été identifié donc c’est comme ça que j’avais mis en place le réseau des jeunes mamans. Maintenant, où sont les papas? C’est des jeunes papas. Et eux ils sont pires que leur papa. Ils ne sont pas là du tout! Parce que dès que le ventre pousse, ils vont aller chercher ailleurs. Donc, pour les attirer, on a changé le nom. C’est devenu le Réseau des Jeunes Parents. Justement c'était pour faire un clin d'œil aux papas pour leur dire que, “vous avez votre place ici”.

Je crois que c’est là que ça a commencé. Du féminisme différent.

Ensuite, il y a la Fédération des Femmes du Québec. On a essayé d'intégrer ça. Là aussi c’était le même problème. Il y a eu les célébrations des quarante ans de la fédération. Il y a un mouvement féministe, au pays, lá-bas. Pour les célébrations, on a monté une vidéo et on a fait fi. Comme si cela n’existait pas! C’est là que nous, nous avons dit, “Oh non! Il y a un problème.” Mais c’était pas seulement nous. C'était les femmes des autres communautés aussi. Donc nous nous sommes assises pour beaucoup réfléchir et on a mis en place le Réseau d’Action pour l'Égalité des Femmes Immigrées et Racisées (RAFIQ). Cela voulait dire toutes les autres femmes qui n’étaient pas blanches.

Je crois que le constat qu’il y avait un féminisme différent, qui a émergé, qui continue à travailler et qui n’est pas pris en compte par le mouvement global, le féminisme des blanches, c’est exactement la problématique qu’on est entrain de vivre là (Au forum de AWID).

Mariam: Oui.

Monique: Ça, ça fait des années, hein. La peau là, c’est dur. C’est une bataille. Nos enfants et nos petits enfants vont continuer. Alors, c’est là que vraiment la prise de conscience, que nous ne vivons pas nos féminisme de la même façon.

Le fait de travailler en Haïti aussi, je travaillais avec des femmes paysannes. Il n’y avait pas plus féministes que ces femmes-là. Cependant, elles ne voyaient pas les choses de la même façon. Par exemple, les hommes étaient là. Il n’y avait pas de séparation. Est-ce qu'ils étaient féministes ou pas? Quand les hommes n'étaient pas là, ils étaient à la maison entrain de s’occuper des enfants. Des femmes paysannes ont trouvé bizarre que je leur pose la question, qui garde vos enfants. Elles ont dit, “mais madame Monique, on a des compagnons. Ce sont eux qui gardent les enfants. Ils savent faire à manger. Ils peuvent les habiller, les coiffer. Ils savent faire tout ça.”

Donc c’est là que ça a pris sa forme. C’est aussi de voir la posture de ces femmes là, malgré la grande misère qu’elles vivent, comment elles portent leurs robes! Comment elles se coiffent! Comment elles sont joyeuses! Comment elles chantent! Elles dansent! Et des fois, quand les hommes sont pas là, les enfants sont là, les enfants sont inclus dans l’histoire. Les enfants ne dérangent pas! J’avais le même comportement avec mes enfants. Je ne supportais pas qu’on me dise de ne pas amener mes enfants. Tu m’invites et tu m’invites pas avec mes enfants? Alors tu m’invites pas!

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